Bipolaroid célèbrera bientôt ses deux ans et demi. Anniversaire insignifiant? Pas tant que ça. Ma précédente tentative de montrer “au monde” (en toute relativité) ce que pouvait être la vie d’une personne affectée par une psychose comme le trouble bipolaire, feu le blog Bipolarity Report (juin 2018–septembre 2019), tenu sous le pseudonyme “David Anderson”, et qui devint, à partir de février 2019, par un enchaînement de circonstances complexes auquel je ne veux pas trop repenser, une hydre de blogs interconnectés aberrants centrés autour du terrorisme (jeu très dangereux sur internet; je sais que je suis répertorié au Centre National d’Assistance et de Prévention de la Radicalisation), mais pas seulement (nous allons y arriver très vite), fut, tout le monde le sait dans mon entourage et même au-delà, un échec royal et retentissant. En comparaison, à quelques articles près, Bipolaroid ne contient aucune dérive; pas dur: il est difficile de partir dans des délires quand on passe plus de trois ans presque en continu au fond du trou. Bipolaroid n’a rien d’un chef d’œuvre littéraire mais contient, on me l’a dit, plusieurs articles plutôt brillants. Mes statistiques de lecture sont dans l’ensemble maigres mais certains articles ont attiré plusieurs dizaines voire centaines de lecteurs; d’autres, ceux écrits en anglais, notamment une très belle lettre adressée à la chanteuse Marina Diamandis (suivie par des millions de personnes sur Instagram; qui a connu de profonds troubles d’angoisse et l’a très ouvertement confessé; et semblerait avoir lu ladite lettre), ont brièvement mais littéralement fait le tour du monde. Je sais que des membres du groupe Suede (le bassiste Mat Osman au moins) ont lu certains de mes articles. Tout cela introduit (je me la pète? #RAB), je m’ “amuse” souvent ces jours-ci où je me situe dans ce que j’appellerai une “euthymie flottante” — situation d’équilibre instable, avec possibilité de partir soit vers le haut soit vers le bas en réaction au moindre facteur allochtone voire autochtone, requérant de ma part une vigilance permanente —, je m’amuse souvent donc à repenser à ces mois qui suivirent la destruction de Bipolarity Report et le suicide de David Anderson, où, dans une retombée d’une amplitude et d’une violence que personne ne peut se figurer, les gens m’appelaient ou m’envoyaient des mails alors que je gisais au bord de la tombe pour me dire: “ah! Cela fait tellement plaisir de voir que tu vas mieux!” Mieux?? Alors que je veux mourir?? Ma “mission” est loin d’être accomplie, mon objectif est loin d’être atteint. J’ai encore pas mal de boulot devant moi. Cet article, je l’espère, sera une apostrophe suffisamment claire pour que les opinions (la mienne incluse) progressent.
Plus le temps passe, plus je réalise que personne ne comprend vraiment ce qu’est Bipolaroid (mais je dois confesser que moi-même j’ai mis du temps à saisir). Au départ (août 2020), il s’agissait surtout d’une tentative de reprise d’efforts intellectuels après des mois d’atonie et de pétrification–putréfaction. Je ne sais guère ce que peuvent penser de mes écrits mes lecteurs inconnus et lointains (une remise en contexte, qui vient ci-après, est nécessaire). Je sais ou suppose en revanche très bien que, dans mon entourage, malgré les nombreux encouragements et félicitations, les gens sont (plus ou moins profondément) las d’une chose — la récurrence incessante du mot-clé: Fishbach (aka Flora Fischbach). La plupart de mes anciens/actuels amis très proches ont pour cette raison renoncé à me lire depuis très longtemps. Je généralise excessivement, évidemment (Alexis, Marion, Simon, […], je vous aime). Soyons franc, ce journal est bien sûr anti-intime; j’attends la lecture des autres, mais pas tous les autres: j’écris pour donner des nouvelles à ma famille et mes proches, mais j’espère surtout toucher des inconnus ou quasi-inconnus qui se reconnaîtront dans mes articles ou seront désireux de comprendre un peu plus la psychose maniaco-dépressive (“trouble bipolaire” est un terme presque trop hype [rires]). Devrais-je au fond, dans un souci de cohérence, révéler mon identité réelle et expliquer que je me suis dissimulé derrière des pseudonymes mais qu’il est temps de rassembler tout ce petit monde dans mon vrai moi? Sans doute pas (!), par souci de protection de mon entourage familial et pour éviter d’arriver avec une grosse étiquette “je suis psychotique et j’assume” lors de la reprise de mon emploi. Devrais-je renommer mon blog Fishachopathie ou Fishbakose? Pas terrible, pas très attractif. Mais — je m’adresse à ceux qui me suivent depuis longtemps et me disent de temps à autre sinon souvent que tout le monde en a marre de Fishbach — n’avez-vous donc pas saisi que Bipolaroid est une sorte de “carnet d’un deuil” presque impossible à accomplir de Bipolarity Report et surtout du harcèlement corrélatif intense infligé à une “célébrité” que j’ai profondément admirée et aimée d’un amour un peu puéril mais sincère le temps de quelques semaines d’un des plus beaux printemps de toute ma vie, entre mars et mai 2017? Je la respectais, la révérais énormément (la découverte de sa musique m’avait comme par magie extirpé d’une phase de déprime assez pénible). Elle m’aimait bien, j’étais sans doute son premier petit, timide et hyper-sensible groupie. Je m’étais, un soir d’avril 2017, dans un concert de Cléa Vincent, avant lequel j’avais ingéré une toute petite quantité de MDMA, retrouvé par un hasard quasi-providentiel juste à ses côtés; désinhibé par la D, j’étais allé lui parler, lui avais révélé les maux dont je souffrais et expliqué comment sa musique m’aidait dans ma lutte contre la maladie. Et qu’est-ce que tu fais quand, quelques semaines plus tard, tu sors d’un concert à La Cigale où cette ravissante chanteuse joliment prénommée Flora te laisse comme dédicace sur le vinyle que tu achètes pour la deuxième fois: “le regard sombre, le cœur éclair?”, alors que tu es en pleine ascension hypomaniaque, toujours un peu perdu quelques mois seulement après ton diagnostic définitif de bipolarité? Et bien, tu vas te bourrer la gueule et prendre de la coke avec des potes, tu montes encore plus, tu te dis que tu as quinze ans et que par miracle tu as va savoir peut-être une touche avec la plus belle fille de tout le lycée — tu sais que tu es malade, mais tu décides de larguer les amarres, quitte à entrer dans l’érotomanie. C’était il y a une éternité — le 4 mai 2017, exactement. Harcelai-je Fishbach en 2017, en mai, juin, juillet? Je ne crois pas. J’étais juste un poil envahissant sur sa page Facebook avec des machins débiles de science-fiction. Je devais aller la voir à la mi-juillet dans un petit festival des Alpes du Nord: un ami de mes années d’études avait pris les devants dès le mois de février 2017 et avait réussi à la programmer en déboursant (pas de sa poche mais celle de son association) seulement trois mille euros. Pour toutes sortes de raisons (j’en évoque une en particulier à la fin de cet article), je m’étais alors déconnecté de Fishbach. Je ne pus aller au festival. J’étais très en colère car cet ami ne m’avait pas appelé pour comprendre mon absence. J’avais envoyé, audit ami et à sa sœur, un mail un poil incendiaire (irritabilité exacerbée symptomatique des phases maniaques). Sa sœur m’avait répondu, entre autres lignes: “ton absence a été remarquée!” Bham. Mais je n’avais pas eu le temps de retomber amoureux: j’avais été rapatrié en urgence au domicile familial tellement mon entrée dans la manie la plus pure perturbait les voisins de la petite ville de la banlieue parisienne où je vivais — je m’étais mis à la télépathie quantique, j’avais des projets de téléportation, je conversais avec l’atmosphère, je faisais des contre-la-montre en vélo dans des rues à sens unique —, et je m’étais retrouvé interné en HP (pour la seconde fois, la première est relatée à la fin de l’article): les psychiatres me programmèrent des injections retard mensuelles d’un antipsychotique très puissant (la rispéridone). J’étais assez vite redescendu de la “zone de mort haute” mais, une fois sorti de l’HP, alors que je pensais que j’allais me stabiliser, j’avais immédiatement dégringolé dans une dépression effroyable. Quinze jours plus tard, j’étais en clinique. Ma tension chutait parfois à 6, 5… La rispéridone avait été remplacée par une panoplie d’autres neuroleptiques qui m’assommaient profondément. Chaque soir, avant de m’endormir, je priais pour ne jamais me réveiller. J’étais sorti au bout de trois mois dans un état à peine amélioré.
Cette dépression dura jusqu’au 27 juin 2018, jour où, après m’être remis à courir progressivement au cours des semaines précédentes, je m’arrachai tellement les trippes dans une séance de côtes que la dopamine, la sérotonine, l’adrénaline, les endorphines se remirent à avalancher en moi d’une manière incroyablement jouissive. Je passai directement up, m’efforçant cependant de paraître le plus normal possible auprès de mon entourage. Le lendemain même, je (=David Anderson) créai Bipolarity Report. J’avais alors presque totalement oublié l’existence de Fishbach. Mais je me remémorai des interviews (voir la vidéo à la fin de l’article) où elle avait confessé être schizophrène. Je me dis: “voilà, cette femme a eu les couilles, entre guillemets, de dire publiquement à la télé et à la radio qu’elle souffrait d’une maladie psychique. Tout le monde sait que tu es bipolaire, désormais. Qu’est-ce que tu as à perdre? Lance-toi. Suis son chemin. Le blog se propagera d’une manière ou d’une autre et cela améliorera peut-être un peu la ‘démocratisation’ des maladies psychiques.” Au début, les textes de Bipolarity Report étaient parfaitement cohérents. Le 25 juillet 2018, cependant, je manquai un concert de Fishbach au Safari Boat (je m’y pris trop tard pour l’achat d’une place). Mais, le lendemain, j’écrivis ce que je considérai sur le moment comme mon chef d’œuvre ultime: “Spring And My Own Goddess Of Spring”, un article dans lequel je pensais un peu régler son compte à la fascination disproportionnée que j’avais eu pour Fishbach en 2017 (fascination qui relevait déjà du trouble obsessionnel, comorbidité fréquente chez les bipolaires, mais d’une bien timide manière en comparaison de la suite). L’effet inverse se produisit. Dans les semaines et mois qui suivirent, je montai plusieurs étages très rapidement, atteignant un état maniaque plus que préoccupant, et je devins “définitivement” le stalker de Fishbach. Bipolarity Report ne parlait que d’elle et les articles de ce blog revêtaient une allure de plus en plus délirante. Je les propageais partout où elle était susceptible de les trouver: Facebook, Twitter, les bars encore assez peu selects qu’elle était susceptible de fréquenter, son label musical, son agence d’acteurs à l’époque où elle s’essaya au petit écran dans la série Vernon Subutex (j’envoyai même une fois tous mes textes à l’acteur Romain Duris); je contactais parfois une certaine “Madame Fischbach” que j’avais identifiée à Charleville-Mézières dans les pages blanches, laissant des messages stupides sur le répondeur. Je scotchais des impressions de la page de garde de mon blog sur les murs de tout Paris, laissais des articles imprimés dans des revues comme Les Inrocks dans les librairies. Mon inondation des commentaires des publications de Fishbach sur Facebook relevait de l’extravagance la plus totale: j’allais jusqu’à copier-coller dans plusieurs commentaires successifs des chapitres entiers de Bipolarity Report — les gens “communs” réagissent aux publications des “célébrités” par de très courts commentaires ou des émoticônes. Qu’attendais-je, qu’espérais-je? Non, je n’y croyais plus depuis le mois de mai 2017: elle était évidemment hors de portée en termes de séduction (trop connue, trop jeune, trop belle, trop précautionneuse) et avait nécessairement un mec. Comment un vieux plouc comme moi (quinze ans de différence d’âge quand même, même si à l’époque je faisais encore jeunot) allait prétendre séduire une telle personne? Je voulais juste qu’elle m’envoie une lettre de gratitude ou qu’elle relaie mon blog en le publiant sur sa page Facebook… Je rêvais qu’elle fût mon media en quelque sorte. Mais mes textes étaient devenus médiocres, pathétiques, littéralement hallucinants! Tout déborda en février 2019 lorsque je me mis à arrêter progressivement tout traitement pharmaceutique. Totalement oublieux des premières assez belles et justes interprétations de ses chansons que j’avais pu faire en 2017 (les “attentats” auxquels elle se réfèrent dans son premier album, sont, de son propre aveu, des “attentats amoureux”), je me mis à la relier au terrorisme: au terrorisme islamiste, un peu, car sa chanson “Mortel” avait, à tort, été interprétée par le grand public et les media comme une référence aux attentats du 13 novembre 2015 (Fishbach avait même été accusée par certains media de “récupération”); mais moi je m’imaginais précognitif: j’avais identifiée dans des trips sous shit une forme de terrorisme venue du futur que j’appelai “sci-tech” (je me moque ici de moi, seul devant mon ordinateur; rires jaunes), que je définissais dans des propos incohérents et ambigus. Au départ, je me devais d’être son sauveur: elle allait être la cible d’un cyber-attentat (…?). Puis, les mois défilants, le délire de persécution apparut: Fishbach passa du côté obscur de la force — une photo d’elle, publiée sur Facebook un jour du mois d’avril 2019, dans laquelle elle apparaissait dans une beauté éclatante et inédite (id est, produite), perfectionnée par le travail du photographe, vêtue d’une longue veste de cuir noir, une croix en boucle à son oreille gauche, me rigidifia d’un coup; un premier terme me vint à l’esprit: Darth Vader. Pourquoi? Mystère. C’était “fini” (en termes de “covoiturage”) entre elle et moi: ma petite déesse était devenue le diable. J’écrivis un jour (en anglais) sur Bipolarity Report, en légende de ladite photo: “Flora Fischbach: ma femme est une cyber-terroriste” (légère mais aberrante diffamation teintée d’érotomanie). Je ne suis jamais allé plus loin en termes de propos potentiellement offensants. J’avais juste soudain peur qu’elle me tue, en représailles de mon envahissement et de mon harcèlement. La “belle époque” (décembre 2018–janvier 2019) de nos rencontres amicales dans des trous de ver ou univers parallèle où nous jouions, écoutions de la musique, et fumions des milliers de cigarettes comme deux gamins dans mon studio de banlieue, “Tata Farmer” passant de temps à autre pour nous calmer dans nos ballets enfantins, était déjà loin. Bref. Flora Fischbach ne porta jamais plainte. Elle aurait pu, pour la pesance et la durée du harcèlement, les propos limite diffamatoires, et l’utilisation de son image, de sa réputation, de nombreuses de ses photos, et de la couverture de son premier album comme fond d’écran du blog. Néanmoins, en avril 2019, juste après que je l’eusse twittée en lui annonçant pesamment que j’étais un infiltré de la CIA chargée de la surveiller (ou quelque chose de proche, je ne me rappelle pas exactement) — simple coïncidence? — mon compte Facebook fut fermé. Durant plus de deux longues années, je fus incapable d’ouvrir un compte Facebook sous quelque pseudo que ce fût: même mon nom véritable, que je n’avais (je crois) jamais utilisé depuis l’apparition de Facebook en France, ne passait pas. Facebook m’avait clairement banni et avait identifié l’I.P. de mes deux ordinateurs (je n’avais plus de smartphone à ce moment-là). Cela ne rigolait pas du tout. Je me trompe peut-être mais j’ai toujours fait l’hypothèse la plus raisonnable: Flora Fischbach m’avait “signalé” (sans doute avec moult détails) comme on dit sur Facebook. Si ce fut réellement le cas, elle prit la bonne et absolument miséricordieuse décision: retirer des mains du psychotique le vecteur principal de la propagation de son mal(-être), le vecteur principal de la propagation du produit “littéraire” (vraiment avec des guillemets) de ses dérives hallucinatoires, le vecteur principal de son harcèlement. Je ne la menaçai cependant jamais de quoi que ce fût. Je ne l’insultai jamais sur les réseaux sociaux. Eussé-pu à un moment ou un autre, en fonction des circonstances, plus que déraper et adresser des menaces à Fishbach? Qui sait… Cela eût été fatal. En août–septembre 2019, David Anderson se mit à redescendre de son K2, à réaliser la portée de ses actes, à comprendre qu’il risquait de se retrouver devant la justice à un moment ou un autre. Il effaça toute trace de l’hydre Bipolarity Report sur internet. Et il s’auto-détruisit. Et je sombrai de nouveau, comme je l’ai dit précédemment, dans une dépression abyssale.
Au début de Bipolaroid, me confronter introspectivement et littérairement à la période 2018–2019 fut extrêmement difficile. Il est d’ailleurs intéressant de préciser qu’un jour de septembre 2020, un ami très haut placé dans la sphère de la nuit parisienne me contacta car il avait accès en mode VIP à une soirée où Fishbach officiait comme DJ. Il me demanda: “est-ce une bonne idée de t’amener avec moi? Tu aurais l’occasion de la rencontrer en coulisses. Je ne sais vraiment pas. Dis-moi.” Je déclinai l’invitation. Ma dépression était plus que profonde et j’étais très ravagé émotionnellement mais aussi très limité énergétiquement: une nuit blanche à Paris avec une rencontre en face à face avec Flora Fischbach? J’en eusse sorti totalement rincé. Je me souvins de mes petits entretiens avec Flora Fischbach en 2017: je me rappelai d’une personne extrêmement douce, humaine, et mesurée, mais la connaissais-je vraiment? Elle m’aurait immédiatement reconnu et, après tous les événements contés précédemment, qui sait? La rencontre aurait pu se révéler plus que vinaigreuse voire humiliante pour moi. Je me serais peut-être alors suicidé dans la foulée. Je n’osais à cette époque qu’à demi-mot évoquer le sujet de mon “trouble fishbacho-obsessionnel” sur mon blog: j’avais été obligé de m’inventer un ex-colocataire fictif, Stan, une sorte d’opposé de moi-même totalement réfractaire à Fishbach tournant plus qu’en dérision ma fascination pour la chanteuse, pour introduire et développer le sujet. L’article “Fishbach ou l’addiction ultime” et la “Lettre à Flora Fischbach” n’étaient finalement que des brouillons balbutiants. Mais, au mois de novembre 2020, lorsqu’enfin j’atteignis l’objectif que je m’étais fixé en février 2017 — déchiffrer le sens profond de la chanson “Mortel” (la chronique, lue encore actuellement, sans exagération aucune, en moyenne une fois tous les trois jours — des fans doivent se la repasser de main en main —; se googlise en une fraction de seconde; taper: “mortel chronique personnelle”) — je me fis ce que je ne suis pas vraiment: un mâle en rage d’apprendre la vérité. Un matin, sur Instagram, où je m’étais remis à suivre Fishbach, je commentai une photo où Flora Fischbach posait une cigarette à la main, comme presque systématiquement: “FF fume toujours. Ouf. Tout va bien.” Le commentaire fut liké par Fishbach (boah, elle likait un peu les commentaires de tout le monde à l’époque…) mais surtout par Valoy, un musicien parisien obscur mais talentueux (dont l’album 24′ Piece [2009] est plus que recommandable). Valoy. Le compositeur d’une grande partie des paroles de Fishbach. Je l’avais alors complètement oublié. En 2017, un bref instant avant de partir dans la stratosphère maniaque, à la fin du mois de mai, j’étais entré en contact très bref avec lui via Facebook pour lui confesser mon adoration totale de “Mortel”. Il m’avait demandé: “mais encore? Qu’as-tu vu dans la chanson?” Notre échange s’était arrêté là. En ce matin de novembre 2020 (j’ai l’impression que c’était hier), je décidai de remonter dans le temps; il fallait en outre que je fasse une pause dans le récit de ma dure vie quotidienne — j’envoyai donc un long mais très cohérent message privé à Valoy, en le vouvoyant, dans le but d’obtenir les quelques détails qui me manquaient pour peaufiner mon interprétation. Ses réponses, assez laconiques mais suffisantes (j’appréciai la façon qu’il avait de me laisser en suspension) me permirent d’écrire l’interprétation des paroles de la chanson assez rapidement. Durant vingt-quatre-heures, je ne fus plus en dépression. J’ai sur mon ordinateur un dossier contenant plusieurs versions de “Mortel” (j’en ai six en tout, incluant l’extraordinaire remix qu’en a fait la musicienne synthwave SIERRA). Je mis le dossier en mode repeat et me mis à écrire. J’envoyai la chronique à Valoy pour lui demander ce qu’il en pensait. Sa première réaction: “vache! Je ne m’attendais pas à ça…” Il me conseilla de tenter de publier la chronique quelque part et de l’envoyer à Flora Fischbach elle-même. Oh! Ça, j’allais bien le faire à un moment ou un autre!… Publier quelque part? Pourquoi pas. Mais, comme je l’ai dit plus haut, je m’étais burné: je voulais savoir qui j’étais vraiment, si je représentais quelque chose de délicat pour ces gens-là. Je me lançai: “vous êtes proche de Flora F.?” — “Ça dépend. Pourquoi?” Les photos de Valoy que j’avais pu trouver sur internet ne m’avait pas montré quelqu’un de très commode. J’y allais au pas à pas. “Elle n’aurait pas été emmerdé par un certain David Anderson ces dernières années?” — “David Anderson?… Cela ne me dit rien. Elle m’a parlé d’un type, oui, en revanche, qui l’a persécutée…” Ouh là, là, là, par quoi allais-je enchaîner? Je pondis un petit article médiocre (qui n’est plus sur le blog et dont je ne me rappelle plus le titre) dans lequel je tentai du mieux que je pus de relater mes délires métaphysico-quantiques (voyage dans des trous de ver et univers parallèles au tournant des années 2018 et 2019 — car Valoy je le croisais aussi beaucoup à cette époque-là dans mes hallucinations; il venait tout le temps me faire chier en me disant: “eh! Tu ne vas quand même pas essayer de te la taper?!…”. J’envoyai ainsi ledit petit article de merde à Valoy. Sa réaction: “OK!” (j’aime les gens qui n’utilisent pas d’émoticônes et laisse l’interlocuteur utiliser son libre arbitre pour l’interprétation des messages). Je me dis: “allez, mec, prends tes couilles à deux mains, il faut en découdre avec cette histoire. Tu veux, dois SAVOIR. “Pensez-vous que ce fut moi l’unique stalker?” Réponse directe de la part de Valoy: “oui.” Je perdis alors un peu les pédales, me confondis en excuses lourdingues… Valoy me bloqua sur Instagram. Bon. Pas grave. Je pris cependant pleinement conscience de la portée de mes actes passés. Je savais désormais que j’étais clairement “fiché” (j’étais le seul et unique harceleur, il n’y avait plus aucun doute). Je pouvais aussi supposer que Valoy, sans nul doute, conterait l’histoire à Fishbach et que celle-ci comprendrait que derrière Vincent Tristana se cachaient les cendres de David Anderson. L’épisode fut dur à encaisser mais représenta un moment crucial dans mon travail de deuil. Je devais continuer à avancer, mais me maintenir à distance de ce milieu-là, dans toute la mesure du possible. Comprenez-vous mieux désormais? Si je parle autant de Fishbach, c’est parce que Bipolaroid est aussi pour moi une plateforme psychothérapeutique. Suis-je pris dans la spirale d’une guérison impossible? Tous les six mois, j’essaye de mettre un point final à l’histoire mais n’y parviens pas. Savoir que l’on est apparu à son “parangon” (Fishbach + Valoy, dont j’admire l’écriture, j’insiste sur ce point) comme un monstre horrible, que l’on est peut-être connu comme “à éviter autant que possible” dans une partie de la scène French Pop actuelle, est un poids très lourd à porter.
L’année 2021 fut difficile. Des fréquentations douteuses (petits gangsters plus ou moins SDF de banlieue) avec qui j’avais fricoté (pris de la drogue) lors de ma phase hyper-maniaque de 2018–2019 réapparurent dans ma vie. La France d’en bas? Non, plus loin: la France des marges ultra-violentes. Pendant que moi j’étais passé par la case replongée profonde ils étaient passés par la case prison. Sans doute cela peut-il apparaître étonnant qu’un ancien professeur d’université ait ce genre de fréquentation, mais ce sont les aléas de la vie: ils étaient au fond mes seuls contacts sociaux, Laura (suicidée la semaine dernière) mise à part. Car personne parmi mon cercle de “meilleurs amis parisiens” ne passa jamais me voir (en même temps, je les avais tellement harcelés voire diffamés eux aussi entre 2018 et 2019…) durant cette période de dépression abominable qui s’étala de la fin de l’année 2019 jusqu’à… Quand? Je suis un peu perdu tant la période 2019–2023 demeure une nébuleuse complexe et opaque. Entre ces gens-là et moi, c’était donnant–donnant: “eh mec, tu me laisses squatter un peu? Tiens fume du shit, regarde comme ça atténue tes tremblements!” Fishbach ne leur était pas inconnue. Je leur avais montré Bipolarity Report en 2019: même si ce dernier site fut à partir d’un certain moment essentiellement écrit en anglais, ils avaient saisi que je parlais à tort et à travers du terrorisme. Ils me firent quelques fois en riant la morale: “mais mec, tu te rends compte que t’as fait l’apologie (interprétation erronée de leur part) du terrorisme sur internet tout en harcelant une chanteuse super connue? T’aurais pu prendre grave cher!” Malgré leur illettrisme voire analphabétisation, ils étaient loin d’être complètement cons: ils avaient parfaitement raison.
Par souci de concision, je ne m’étendrai pas sur le sujet de la fameuse “Lettre d’adieu à Flora Fischbach” écrite l’an passé. Je rappellerai juste le contexte: je passai près de cinq mois en clinique dans le but de soigner ma dépression et de me stabiliser. Le gavage systématique et disproportionné aux antidépresseurs appliqué par les psychiatres (et mon refus de passer par la méthode électrochocs) m’entraîna dans un yo-yo infernal: grosse montée, grosse redescente, grosse montée, grosse redescente… Six mois de dépression subséquents en sortie de clinique. Un an de vie perdu. Ladite lettre fut écrite au moment d’une ascension clairement maniaque. Mais comment dire adieu à Fishbach? J’ai écrit il y a peu que j’avais dit à ma psychiatre que, sur la simple base du merveilleux début de printemps 2017 que j’avais connu grâce à elle (mais pas seulement…), Fishbach était inscrite dans mon ADN depuis longtemps, qu’elle resterait présente en mon âme et conscience jusqu’à la fin de mes jours. Même si je n’écoute plus beaucoup sa musique — son deuxième album ne m’a vraiment pas convaincu (variétoche de luxe, trop éloignée de la rétro-synth-pop un poil indé du premier album, de mon propre point de vue) — elle apparaît de temps à autre comme un petit “phare”, une petite étoile qui m’éclaire dans les moments d’angoisse ou de trop forte solitude. Elle fait presque partie de ma famille — et je dois confesser que mon père se passerait bien de cette sœur additionnelle! Je crois surtout que je resterai très longtemps traumatisé par l’invraisemblable harcèlement que je lui ai infligé et par l’idée du pire que j’ai frôlé. J’ai déjà un jour posé la question: Fishbach me vit-elle à un moment ou un autre comme un terroriste potentiel? Comme quelqu’un de dangereux, violent? Je n’ai jamais frappé quiconque de toute ma vie (épisodes familiaux très compliqués et à taire mis à part). Je suis quelqu’un de fragile et faible, même si j’ai des moments de résistance à l’épreuve (travail, activité physique quand je ne fume pas comme un pompier comme en ce moment…) supérieurs à la moyenne. Je mesure un mètre quatre-vingt-douze mais ne pèse qu’à peine plus de soixante-dix kilos: je suis maigre comme un clou. Je tremble tellement tout le temps que je suis un handicapé du SMS sur mon iPhone; comment arriverais-je à manier une arme? Mais lorsqu’on est bipolaire, que l’on perd totalement prise avec soi-même, et que l’on se retrouve embarqué à écrire des articles invraisemblables intégrant à des scénarios abracadabrants sur le terrorisme une jeune chanteuse (bon, elle a quand même plus de trente piges maintenant, elle sera peut-être bientôt maman… Mais à l’époque, c’était encore une jeune fille — “je ne sais pas prendre un rendez-vous chez le médecin et j’ai besoin que l’on m’aide pour ma déclaration d’impôts”, disait-elle peu ou prou en 2017; bienvenue, ici, c’est Florapedia), on est bien obligé d’admettre que la personne en face doit nécessairement s’imaginer le pire. Plusieurs fois dans ces pages, et évidemment de temps en temps en moi-même, je me suis posé la question: la recroiserai-je un jour? Le 30 novembre 2022, après une invraisemblable phase d’angoisse étalée sur trois semaines, je renonçai à aller la voir à l’Olympia: via Facebook, j’ai donné à une inconnue la place que j’avais achetée un an plus tôt. J’étais sur une pente descendante contre laquelle je ne pouvais lutter (le trouble bipolaire est un problème biologique, ne l’oublions pas); eussé-je été au concert, cela m’aurait-il remis d’aplomb? J’en doute vraiment pas mal. Et si par le plus grand des hasards, je recroise Fishbach autre part que dans un concert (je ne sais pas: genre, dans la rue lorsqu’elle vient sur Paris? Probabilité <1%), me foutra-t-elle une bonne tarte dans la gueule bien méritée? Ordonnera-t-elle à son chien de me mordre? Ouais, le toutou, il n’a pas l’air bien méchant; en revanche, elle, je pense que quand elle est vénère…
La conclusion approche… Que se passa-t-il en moi ce beau jour du 24 mai 2017, lorsque je fis le “délire acté” le plus épouvantable qui fût, descendant sur les voies de chemin de fer pour affronter les RER qui arrivaient dans tous les sens? Je pourrais dire, pour la forme ou dans un délire, qu’il s’agit d’une intervention divine ou diabolique, ou que ce fut un double de Fishbach venu d’un autre univers intervenant pour me tenir éloigné de la Fishbach terrestre. Mais non, la vérité est ailleurs: mon subconscient m’ordonna de tourner un peu le dos à Fishbach et, peut-être ainsi, d’éviter une groupisation présentielle qui aurait pu se révéler exponentiellement dangereuse. Alors que je n’avais qu’un seul rêve en tête — me rendre à tous les concerts du “groupe” Fishbach de l’époque pour lesquels j’étais disponible et devenir ami avec tous les membres (j’avais quand même aussi un petit faible pour la bassiste Michelle Blades, en qui je voyais une sorte de réminiscence de mon ex-compagne chilienne, mais j’aimais aussi les deux mecs aux claviers et à la guitare) —, un de mes frères, que j’appellerai ici Ω (un être brillantissime: 19 de moyenne au bac littéraire; arrivé parmi les tous premiers au Concours Général de philosophie; grimpeur surpuissant dans les années 2000; qui connut personnellement et fréquenta le chanteur du groupe Poni Hoax, Nicolas Kerr — parti prématurément à cinquante ans en 2021) était alors interné en HP dans des conditions difficiles. Je crois n’avoir jamais donné tous les détails au sujet de ce délire acté, que ce soit dans Bipolarity Report ou dans le présent blog. Lorsque j’entendis la voix me dire “c’est bon, vas-y”, je compris ou compris juste a posteriori que je m’ordonnai subconsciemment de bifurquer: “suffit la jouissance et la déliquescence avec Fishbach, tu te dois d’aller voir ce qu’Ω endure. Tu es malade psychique: fais un cirque démentiel et atterris là où tu dois atterrir.” Je n’oublierai jamais la première chose que je me dis une fois attaché au lit prêt à m’emmener à l’HP dans une ambulance, alors que je voyais clignoter la lumière blanche de la mort et que ces nazis d’ambulanciers m’injectaient une bonne dose d’Haldol-minute et refusaient de m’hydrater malgré mon exténuement et mon pouls à 180 bpm: “mission accomplie. Tu vas comprendre ce par quoi Ω est passé.” Je souriais, ébahi. Cependant, si mon père n’avait pas ensuite débarqué le plus vite qu’il put à l’HP pour demander une HDT (hospitalisation à la demande d’un tiers), j’aurais été placé en HO (hospitalisation d’office) et aurais sans doute passé au moins plusieurs mois à l’HP. À travers cet acte, doit-on voir un sacrifice par preuve d’amour fraternel ou seulement une tendance masochiste et autodestructrice?… Une fois à l’HP, j’avais passé une nuit en isolement, incrédule devant les conditions médiévales imposées. J’étais très, très vite redescendu de mon délire. Je n’étais resté que cinq jours — ce qui m’avait quand même laissé le temps de comprendre ce qu’était la vie en HP — et l’on m’avait laissé sortir. “Ouh là là, le type”, devez-vous vous dire, vous qui ne me connaissez pas ou peut-être me lisez pour la première fois. Fishbach a un jour dit: “mes fans ont tous un point commun — ce sont des gens vrillés.” Numéro 1 avec mille longueurs d’avance sur tous les autres: Vincent Tristana. Mais est-ce que je fais encore partie des fans de Fishbach, moi? Oh! Peu importe…
Cet article ne répond pas beaucoup à la question posée en titre même s’il laisse entendre que je trouve à travers l’écriture un exutoire à la difficulté qu’il y a à vivre avec le trouble bipolaire et avec les conséquences que cela peut entraîner dans le chemin de vie. Il pose en revanche une assertion claire: je suis un miraculé. Et là, le miraculé prend parfaitement conscience que, malgré des circonstances difficiles (l’annonce du suicide de son amie Laura l’a quand même pas mal secoué), il vit de plus en plus sur des horaires décalés, ne dort pas assez, écrit trop, ne mange pas bien, boit trop de café et fume trop de clopes (oui, non, ça, les clopes, ce n’est pas grave, ça n’a pas d’influence sur l’évolution du trouble bipolaire). “Calme-toi, dude. Entre –10 et +10, tu es à +2/+3, là. “Euthymie flottante”, disais-tu au début de l’article; l’écriture t’a apparemment un tout petit fait monter, non? C’est le moment de faire une pause! Et contacte ta psychiatre dès demain pour savoir s’il faut enlever la petite dose d’antidépresseur qu’il reste encore dans ton traitement. Sinon, vu ton manque de relations affectives au cours des dernières années, tu vas encore passer par la case escort hi-fi.” En même temps… Bah oui, j’ai bien écrit un jour que je “devais” m’autoriser ce genre de récréation érotique deux fois par an en cas d’impossibilité de trouver une relation normale, non? Tinder, ça existe toujours? Quelqu’un a de la coke? (Je plaisante). Contrôle, contrôle, contrôle.
Post-Scriptum: l’interview ci-dessous est assez longue. Pour l’évocation de la schizophrénie, aller directement à 6:00. Délivrance? Fin de Bipolaroid? Lorsque, en 2017–2018, je regardais cette interview, je me disais: “regarde, regarde, regarde le flegme avec lequel cette personne aborde le sujet de sa schizophrénie. Jamais tu ne pourrais te comporter sur un media comme ça… Mais, un jour, à ta manière, tu montreras peut-être à un petit monde ce que c’est que de vivre avec le trouble bipolaire.” Ai-je atteint l’objectif? Oh que non. Fishbach modifia ainsi profondément l’orientation de mon activité intellectuelle au cours des six dernières années mais les choses dérapèrent… QUELLE PEINE, QUELLE LAMENTATION, QUELLE HONTE, aujourd’hui, à devoir admettre que je n’ai finalement eu, pour dépeindre l’expérience difficile de la vie difficile avec le trouble bipolaire, que — principalement — à raconter que cette triste histoire de (cyber-)harcèlement disproportionnée de celle qui fut mon inspiratrice… Les choses auraient pu/dû se passer différemment… Une page se tourne sans doute ici, je l’espère. Il est plus que temps de passer à un projet (à travers un nouveau site? Un livre?) beaucoup plus ambitieux mais difficile: dénoncer la NAZITITUDE des hôpitaux psychiatriques, l’horreur des conditions d’enfermement et de contention des malades psychiques! J’y arriverai, je te le jure, mon père. (Crise de larmes). Rage, rage, against the dying of the light!
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