Ça y est, je l’ai trouvé. Je ne sais pas si c’est une bonne chose, mais j’ai trouvé un article scientifique qui évalue le rapport entre durée d’une phase de dépression et durée d’une phase maniaque. Le psychiatre qui m’avait un jour dit “attention, un jour de manie égale ensuite deux jours de dépression” ne déconnait pas tant que ça. Dans l’article “Depression and mania in bipolar disorder”, publié dans la revue Current Neuropharmacology en 2017, les auteurs se basent sur un échantillon de plus de 1100 patients et, dans un de leurs tableaux, présentent les résultats du rapport durée d’une phase dépressive sur durée d’une phase maniaque, en fonction de différents types de patients et de cycles. Bon, déjà, les quinze mois de ma précédente phase maniaque, au cours de laquelle mon cerveau malade a complètement pris le contrôle jusqu’à me faire arrêter mon traitement et partir dans des délires pas possibles, apparaissent complètement en dehors des intervalles de durée relevés pour les phases maniaques dans l’étude (moins de cinq mois au maximum). À part faire de moi un recordman (il n’y a qu’à faire quelques autres recherches sur internet…), je ne sais pas trop quoi penser: faisons l’hypothèse du pire à savoir que les règles décelées par l’étude s’appliquerait aussi ainsi à mon cas. Je résume très globalement les résultats: d’une manière générale, les épisodes dépressifs sont toujours plus longs que les épisodes maniaques, et le rapport moyen dépresssion/manie (D/M) est de l’ordre de 1,5, et monte à 1,7 dans le cas d’épisodes maniaques caractérisés par des tendances psychotiques (hallucinations). En voilà une nouvelle qu’elle est bonne. Si je me contente de prendre la valeur de 1,5 pour D/M, je devrais logiquement escompter 22 mois de durée pour la dépression dans laquelle je me trouve actuellement. Je n’en serais donc qu’à peine à la moitié. Euh, je fais quoi, là? La cryogénisation ça marche dans ce genre de situation? Parce que si vraiment je dois tirer au total presque deux ans de dépression sévère… Je ne sais pas comment terminer la phrase.
Ces dernières semaines, je me suis beaucoup posé la question de la lourdeur de mon traitement. Mais, avec mes antécédents en termes de délires et d’hallucinations, aucun psychiatre ne m’administrera un traitement uniquement composé d’antidépresseurs (comme la fluoxétine, ou Prozac, dans mon cas) et de régulateurs d’humeur (comme le lithium, ou Teralithe, et la lamotrigine, ou Lamictal, dans mon cas); il me faudra toujours un neuroleptique ou antipsychotique en plus: olanzapine (Zyprexa), quétiapine (Xeroquel), rispéridone (Risperdal), je connais bien, enfin surtout la quétiapine. Ce sont des médicaments que l’on prescrit aussi dans le cas de la schizophrénie, ça ne rigole pas. Bref, des produits pour traiter la psychose. Le problème c’est qu’en général, surtout en période de dépression, ça casse sévère. Vous voyez le cercle vicieux? Pour prévenir une remontée dans les tours et pire, on prend le risque de maintenir le patient dans la dépression. Ces dernières semaines, j’ai fait l’expérience de retirer la quétiapine sur des périodes de deux ou trois jours: ouh bah, là, il n’y avait pas d’ambiguité — la quétiapine n’est pas un couvercle, c’est une enclume, ouais. Et puis, alors, j’ai eu enfin l’idée d’aller jeter un oeil à la liste des effets indésirables sur la notice: quand j’ai vu, dans la catégorie “fréquent” (un cas sur dix), la mention “pensées suicidaires et aggravation de votre dépression”, je me suis dit que j’aurais peut-être dû avoir plus tôt l’idée de faire ma petite expérience de retrait du produit. Au diable ce poison. Je suis arrivé l’autre jour chez mon psychiatre en lui disant qu’il fallait absolument changer quelque chose, que là, il était évident que la quétiapine me plaquait voire pire vers le bas. “Si je vous enlève votre antipsychotique, dans dix jours vous pétez les plombs et terminez à l’hôpital…”, m’a-t-il dit, ce qui m’a laissé un peu circonspect — dix jours pour passer d’un état de dépression sévère à un état proche du jet stream, je trouve ça un peu fort de café, même si dans le fond je vois ce qu’il veut dire (en théorie, avec cette merdasse de trouble bipolaire, on ne sait jamais…). Je me suis dit: “qu’il n’aille pas me coller de la rispéridone, ce serait encore pire…” Il m’a prescrit de l’aripiprazole (Abilify) en me disant que, contrairement à la quétiapine, cela “donnait du tonus”. Au vu des effets indésirables fréquents reportés sur la notice (entre autres: sensation de fatigue, somnolence…), ce caractère tonifiant reste quand même à vérifier. On verra bien, cela ne fait que trois jours que j’ai opéré le changement. Évidemment, je suis allé faire des recherches sur internet et j’ai trouvé cet article émanant de l’Agence canadienne des médicaments et technologies de santé (ACMTS) “L’aripiprizole dans le traitement du trouble bipolaire (…)” qui conclut: “[L’aripiprizole n’est pas recommandé] dans le traitement de la dépression aiguë qui accompagne le trouble bipolaire.” Doute, doute, doute. Je vais essayer d’être pragmatique: pour moi, il y aura un progrès quand le matin, j’arriverai à me lever sans pénibilité, prendre ma douche, bouffer, et ne pas me recoucher. Mais, autant être franc, si l’aripi… bref l’Abilify me laisse dans le même état que la quétiapine, ce dont je vais vite me rendre compte, je crois bien que je jouerai avec le feu: enlever tout antipsychotique et voir si et comment je remonte. Dix jours et à l’HP pour délires et hallucinations? Cela me fait bien rire. Dix jours et en légère phase up, cela tiendrait déjà du miracle vu mon état actuel. On prend les paris?
Bonjour.
Je réagis à votre billet parce que je crois comprendre l’état dans lequel vous vous sentiez quand vous avez écrit ce message. J’ai l’impression que vous traversez une forte dépression et qu’il suffirait que vous arrêtez votre antipsychotiques pour qu’elle s’envole et que vous vous trouviez en Hypomanie, et que là tout serait merveilleux et sous contrôle. J’ai fais cet erreur en juin dernier (j’ai arrêté le risperdal du jour au lendemain) et je n’ai pas eu de délires directement, je me suis même senti un peu mieux les premiers jours, puis après par contre, par contre je me suis trouvé pendant plusieurs mois dans un état vraiment très douloureux : je ne mangeais quasiment plus, je ressentais une grande angoisse, je me suis enguelé avec mes proches, je passais une grande partie de mes journées à divaguer dans la rue l’air hagard et je pensais être foutu, ce n’est que plusieurs mois après que l’optimisme à refait surface, puis l’euphorie, les délires de grandeurs, etc. Ce que j’ai appris avec cet expérience, c’est que quand on va mal on a tendance à trouver des plans pour aller mieux et chercher des coupables, et dans cet quête le pauvre antipsychotique fait une victime facile. Au terme de cet expérience, rien de bon ne s’est produit de cet arrêt, que du pire en fait. Je suis sûr que vous pouvez vous rappeller d’horrible moments de dépression quand vous n’aviez pas encore de traitement, et de bons moments alors que vous l’aviez. Je pense qu’il serait plus prudent de voir avec votre psychiatre pour adapter votre traitements ou les dosages. Je vous souhaite tout le bonheur
et la stabilité que vous espérez voir dans votre vie 😉
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