La crise d’adolescence dure quatre ans

Je ne sais pas s’il est plus facile de devenir bipolaire à quarante ans qu’à quinze ans. Tout ce qu’avec le recul je sais c’est que lorsque j’ai été définitivement diagnostiqué bipolaire à la fin de l’année 2016, je me suis mis à avoir quinze ans, dans mon comportement — après des années de tendance dépressive, je me sentais totalement renaître dans une jouvence immature — et dans mon rapport à la maladie — on me demandait de renoncer à l’euphorie permanente? Celle-ci se mit à courir en moi comme jamais et je ne me plaignais absolument pas du peu d’efficacité de mon traitement à la contenir; on me conseillait de tomber amoureux? Pourquoi tomber amoureux d’une femme quand on peut tomber amoureux d’un phénomène artistique, dans lequel on trouvera évidemment de façon obsessionnelle une chimère, une muse idéale pour fuir le réel? Les jours, les semaines, passent et je sens que je m’éloigne de quelque chose: ma crise d’adolescence de la bipolarité. J’ai certes beaucoup perdu à vivre ces quatre ans de maladie comme un adolescent attardé — ou éternel, terme moins teinté — mais j’y ai beaucoup appris. Qui sait ce que c’est que faire des fugues hors de soi-même, sur des jours, parfois des semaines ou des mois? Je ne repasserai pas par là. Plus j’y pense et plus ma rédaction de la chronique de la chanson ‘Mortel’ de Fishbach était une façon d’achever cette crise d’adolescence. “J’ai déliré et écrit de la merde sur elle pendant toutes ces années? Oui, mais, au début, je ne voulais écrire que ça, et mieux vaut y arriver tard que jamais.” Il est terrible, ou triste, du moins remarquable que cette artiste eût à ce point habité la profonde psychose que devint mon existence entre 2017 et 2020. Mais je me rappelle les adolescentes de quinze ans au début des années 1990: elles étaient bien amoureuses de Dave Gahan, le chanteur de Depeche Mode, ou des New Kids On The Block, non? Voilà, j’ai été diagnostiqué bipolaire à quarante ans, j’ai fait ma crise d’adolescence, et maintenant? Je sais que je reprends le travail au début du mois d’avril. Quatre ans ont passé, j’ai désormais dix-neuf ans mais des diplômes qui datent d’une autre vie: je ne m’en fais pas. Quatre mois. Quatre mois à tenir, sans retomber, en essayant de remonter peu à peu sans repartir complètement vers le haut, à faire fuir l’angoisse de revoir les choses m’échapper une nouvelle fois et de ne pas pouvoir reprendre ou de reprendre dans un état catastrophique. Quatre mois: le temps nécessaire pour écrire un roman? C’est en 2017, lorsque je rencontrai en même temps la quétiapine et Fishbach, que les choses commencèrent à sérieusement merder pour moi? Tout le monde en a marre, non? Ai-je vraiment besoin de continuer à regarder le passé? 

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