Lithium et al.

Le pire dans la prise de lithium c’est qu’il faut chaque semaine faire un dosage du minéral dans le sang car ce dernier peut avoir des conséquences sérieuses au niveau du fonctionnement rénal. Cela veut dire se lever tôt, se rendre au centre d’analyse médicale et, vu que celui où je me rends tient un peu du tiers-monde et manque d’effectif, attendre un bon bout de temps. Dans les conditions actuelles de pandémie, s’il y a affluence, il faut évidemment attendre dehors, debout. Ce matin, c’est très long. C’est insupportable. Et, comme toujours, à un moment, il y a un connard ou une connasse pour essayer de griller la queue: “ah! Mais je veux juste demander un renseignement…” La vieille dame devant moi semble excédée: “ah! Non, pas encore!” Je me surprends à aboyer sur la connasse: “Eh! Vous avez pas vu la queue? Bah, vous la faites comme tout le monde…” J’entends des personnes m’appuyer. La connasse dégage. Lorsque mon tour vient, au moment où l’infirmière m’insère l’aiguille, je me dis que je devrais peut-être essayer l’héroïne. Pas tout de suite; mais disons que, si dans un an je suis toujours en dépression, je l’envisagerai un peu plus sérieusement.

Un psychiatre ne prescrira jamais uniquement des antidépresseurs à un bipolaire en dépression. Pour prévenir toute récidive maniaque, toute remontée brutale et excessive, un bipolaire dépressif devra toujours se farcir les “couvercles”: dans mon cas, lamotrigine, quétiapine et lithium. Le discours, sur internet ou dans la bouche d’un praticien, est toujours le même: “ce sont des médicaments ambivalents, ils ont aussi un effet antidépresseur…” Mais bien évidemment, étant donné qu’on les prescrit dans les phases (hypo)maniaques. Intérêt économique, connivence avec l’industrie pharmaceutique? Toujours est-il que j’ai déniché sur internet de nombreux articles décrivant le lithium comme un inhibiteur de circulation de la dopamine, parfois appelée “hormone du bonheur”. Putain de bordel de merde. Vis ton destin de bipolaire: tu es tout en bas mais tu n’as pas le droit de remonter? Pas le choix?

Quand je vois sur les notices de mes neuroleptiques des effets indésirables comme “sensation de faiblesse”, “fatigue”, “baisse de la concentration”, “manque de créativité”, “aggravation de la dépression et pensées suicidaires”, je… Non, je ne fais rien; je déchire juste les notices. Je repense à ma première grosse dépression, il y a six ans; on m’avait demandé si j’avais fait et faisais des excès — comme de bien entendu, il s’agissait uniquement et vulgairement d’excès d’alcool ou de substances, les excès de travail ne comptaient pas. Bien sûr que j’en avais fait des excès: on m’avait de suite catalogué comme bipolaire et administré un cortège de neuroleptiques en plus des antidépresseurs. Est-ce que tous les gens qui font des excès sont bipolaires? Est-ce que l’on devient bipolaire à s’entendre dire qu’on l’est et sous l’effet des médicaments supposément idoines? Et, au fond, si à l’époque je m’étais juste dit: “tu es en burn-out, repose-toi, va voir un psychologue, et puis c’est tout…” — sans toucher à aucun chimique, pas même aux antidépresseurs?

Naître ou ne pas être bipolaire, telle est la question.

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