Ma matinée a été un calvaire mais s’est soldée par une rencontre stupéfiante. Je me suis réveillé à sept heures et demi, ai pris mes médocs, avalé un copieux petit déj. Puis un grand café. Je me suis levé de ma chaise, ça tournait, et je me suis donc recouché et rendormi aussi sec. Je me suis re-réveillé un peu avant onze heures, me suis rappelé qu’il fallait absolument (sous peine d’amende) que je ramène des CD empruntés dans une médiathèque près de République. La veille, j’avais envisagé d’y aller en marchant mais, très vite, j’ai compris que je m’étais fixé un challenge bien au-dessus de mes forces. Rien que la descente des escaliers de mon immeuble s’est révélée délicate. J’ai ensuite mis dix minutes à rejoindre le métro: j’avançais à deux à l’heure, je ne marchais pas droit, j’avais des drôles de palpitations cardiaques (c’est quoi ce nouvel antidépresseur, la vortioxétine??), je me retenais pour ne pas pleurer. J’ai été obligé de m’arrêter boire un café dans une brasserie avant de descendre dans le métro. Les rames étaient bondées, c’était pénible, mes yeux se fermaient sans cesse sous le coup de la fatigue. Une fois arrivé à République, je me suis trompé de sortie, donc de boulevard, ai quand même trouvé la rue de Lancry, mais, si elle me paraissait bien similaire à celle que j’avais empruntée lors de mon dernier passage, je ne trouvais pas la médiathèque. J’ai sorti mon iPhone, ai cherché sur Google Maps, impossible de localiser quoi que ce soit. C’est en demandant de l’aide dans un vendeur de fruits et légumes que j’ai réalisé mes erreurs d’orientation. J’étais au sud, il fallait que je reparte vers le nord. Je marchais de plus en plus lentement et, une fois entré dans la médiathèque, en montant les étages menant à l’étage des disques, j’ai même manqué de m’étaler par terre. J’ai rendu la pile de disques que j’avais empruntée la fois précédente, ai pris le temps de choper quelques trucs au passage (The Libertines: Up The Bracket; White Lies: As I Try Not To Fall Apart; Poni Hoax: Images Of Sigrid; Kavinsky: Outrun; Screaming Females: All At Once; Royal Blood: Typhoons). Puis je suis redescendu, tout aussi péniblement que j’étais arrivé.
Tout a bien commencé pour le chemin du retour: j’ai pris le métro dans le mauvais sens, fait dont je ne me suis aperçu qu’au bout deux stations. J’ai manqué de m’évanouir en effectuant le changement de direction. Tout a été ensuite très flou — étreint dans la foule compacte, je vacillais et mes jambes flageolaient — jusqu’à ce qu’à une station (laquelle?) je ne réalisasse que la densité de personnes avait bien diminué et qu’il y avait un strapontin libre — j’ai fait un pas en avant mais, voyant une dame, que j’ai jugée d’emblée comme beaucoup plus âgée qu’elle ne l’était vraiment, entrer dans la rame, j’ai interrompu mon mouvement: “vous voulez vous asseoir?”, lui ai-je demandé. Elle m’a répondu par la négative — “non, merci, il y a beaucoup de monde” — et s’est contentée de poser son séant contre le dossier du strapontin. Elle a commencé à me parler, de façon agréable sinon charmante. J’avais beau être épuisé, je me suis dit: “allez, blablate un peu, ça te fera du bien.” Nous avons commencé par des banalités: bondage de la ligne, fréquence insuffisante de passage des trains, particularité de la ligne 8 de s’étendre tellement au sud de l’agglomération parisienne… Lorsque, nous coupant presque la parole l’un l’autre, nous avons convenu que le chiffre “8” correspondait au symbole de l’infini tourné à 90 degrés, je me suis fait la réflexion: “il y a de la synchronicité intellectuelle dans l’air, ne lâche pas le morceau, c’est la femme (l’antidépresseur) de ta journée. Dans un de-proche-en-proche qui a peut-être duré deux minutes, nous sommes arrivés à un terrain d’entente: la “physique de la conscience” et le scientifique Philippe Guillemant. “Il est l’un des rares sinon le seul à avoir introduit la spiritualité dans la science”, m’a-t-elle dit, et je me suis rappelé ce mois de mai 2017 où, ayant acheté l’ouvrage co-écrit par Guillemant avec Jocelin Morisson (Physique de la conscience, Trédaniel Édition, 2016), j’avais été immédiatement catalogué comme complètement fou par mon entourage. La dame du métro qui me souriait avait l’air tellement enthousiaste d’avoir trouvé l’interlocuteur parfait: elle m’a cité La route du temps, ouvrage de Guillemant que je connais depuis longtemps mais que je n’ai jamais lu, m’a cité d’autres références… Elle m’a même dit être proche de l’épouse dudit scientifique. Comme je sentais qu’elle était bien plus calée que moi et que cela commençait à tourner très, très vite dans ma tête (même en périodes dépressives, la tachypsychie ne me quitte que rarement), je la laissais mener le débat. Je lui ai confessé la difficulté qu’il m’avait fallu au début pour saisir les notions de trou de ver, temps illusoire, temps vrai, etc. Oh! Sa réponse! “Ce sont des choses que l’on ne peut vraiment comprendre qu’en les expérimentant…” (Par stupide crainte d’être jugé par notre entourage, je me suis retenu de la relayer en lançant: “oh! Ma p’tite dame, si vous saviez le nombre de trous de ver que j’ai pu parcourir et la quantité de personnes et d’icônes que j’ai pu côtoyer dans des univers parallèles lors de mes phases maniaques en 2018 et 2019!”).
Je ne sais pas si elle voyait que mes lèvres tremblaient sous le coup de l’émotion et de l’ébullition cérébrale. En tout cas a-t-elle enchaîné: “nous avons encore du temps. Nous allons donc jouer à un petit jeu. Ne me répondez surtout rien pour les deux premières questions. Un: pensez à un animal–totem pour vous.” Je n’ai même pas eu besoin de penser: les yeux émeraude et les jeux follets de la chatte de notre famille, Chatoon (1998–2010), mon premier “amour”, me sont apparus immédiatement. Réponse conservée à l’intérieur, donc: Chat. La dame ne me quittait pas du regard et a enchaîné. “Deux: pensez à un symbole qui a une forte signification pour vous, comme le symbole de l’infini, par exemple.” Là encore, je n’avais même pas besoin de penser: un énorme φ occupait mon cerveau — φ pour Fishbach, ÉVIDEMMENT, mon dernier “amour”. “C’est bon, avez-vous votre animal–totem et votre symbole fétiche en conscience?”, m’a-t-elle demandé. Suite à mon “oui” assuré, elle m’a posé la troisième question: “pouvez-vous me donner un nombre de jours entre 1 et 15?” (Sa question était plus longue et précise mais l’irruption du φ dans ma tête m’avait un peu désorienté…). J’ai répondu au hasard: “5”. (J’ai réalisé a posteriori que “5” correspondait: d’une part à mon chiffre porte-bonheur lorsque je pratiquais le cross-country à l’adolescence — en janvier 1991, j’avais terminé cinquième aux championnats départementaux de cross-country, quelques dizaines de mètres seulement derrière les cadors nationaux de ma catégories d’âge —; d’autre part au nombre exact de fois où j’avais vu/rencontré Fishbach dans ma vie; et pouvait, en outre, avoir un rapport avec la chanson “Five Years” de David Bowie… Troublant comme le subconscient peut des fois devancer la conscience même).
Nous arrivions à ma station. La dame m’a dit, avant que je ne descendisse: “vous verrez… Si les totems–symboles que vous avez en tête ont réellement une profonde importance dans votre existence et votre conscience, ils se matérialiseront dans les cinq jours qui viennent…” J’avais eu le temps de lui demander ce qu’elle faisait dans la vie: journaliste et écrivaine. Elle s’exprimait avec une grande éloquence. Je n’avais pas affaire à une cartomancienne déglingo sortie des faubourgs de Prague. Alors quoi? Dans les cinq jours qui viennent, vais-je adopter un petit chaton errant dans mon quartier? — Problème: avec le temps je suis devenu vachement allergique aux poils (à plus proprement parler: à la salive qui s’étale sur les poils) de chat. Dans les cinq jours qui viennent, vais-je croiser Fishbach dans la rue? — Problème: Fishbach c’est /ForbiddenName/, ma psychiatre comme tout mon entourage me la prescrivent… Oups!! Je laisse le lapsus: je voulais bien évidemment conjuguer le verbe “proscrire”. D’ailleurs, je ne sais pas ce qu’elle devient, cette chanteuse: sa tournée doit être terminée et elle a dû aller se réfugier au chaud dans les Ardennes… Laissez-moi googliser cela: et bien non, elle tourne encore, mais en province — aucun risque que le Futur influence mon Présent: je suis trop dépressif et ruiné pour faire subitement une fishbachite aiguë et partir la retrouver à Pétaouchnok…). Et, de toute façon, de ce point de vue-là, cette dame du métro, en quelques stations, m’a tout enseigné: j’ai encore parlé d’amour plus haut — avec des guillemets —, mais comment peut-on aimer vraiment quelqu’un que l’on ne connaît pas, que l’on ne voit que sur scène, avec qui l’on n’échange que quelques mots? Le grand amour, je ne l’ai connu qu’une fois, et il m’a fallu des semaines et même des mois pour en prendre conscience. Tout réside ainsi dans cette notion de symbole: Fishbach (φ) n’a jamais été que l’étendard de mon printemps 2017, au cours duquel, dans les cirrus de l’hypomanie (le fameux up propre aux troubles bipolaires), le bonheur était trop beau, constant et intense pour être sinon réel du moins durable — et Fishbach en était le reflet parfait en musique et en modèle féminin, elle était le doux visage et les beaux yeux d’une vie dont j’étais amoureux, d’un printemps français (je laisse de côté mes printemps chiliens…) que je n’avais jamais connu et que je ne reconnaîtrai peut-être, sans doute, jamais (ah! Ces journées et soirées avec Sarah, ma sœur d’âme de l’époque…). Rappelez-vous aussi de Sylvestre, mon amante de l’hiver dernier lorsque j’étais en clinique; elle ne cessait de me répéter: “mais tu aimes Fishbach parce que c’est ton double en femme!” Si la tournure était exagérée, elle tournait autour de la vérité. Fin d’un mystère? Début d’un autre? À quelle “matérialisation” dois-je m’attendre dans les jours à venir? Laissons les rafales du temps faire…
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