De l’impasse sociale de parler de sa maladie [Bipolaroid Club]

Une de mes connaissances sur Facebook a, collée sur sa photo de profil, une devise intéressante, extrêmement juste — “tu vis beaucoup mieux quand personne ne sait rien de toi” — et qui va tellement à l’encontre de mon attitude sociale depuis mon diagnostic en 2016 que cela m’a inspiré les quelques lignes suivantes:

Bienvenue au Bipolaroid Club

La règle numéro 1 du Bipolaroid Club est: “si vous souffrez d’un trouble psychique, en particulier d’un trouble bipolaire, n’en parlez surtout à personne.”

La règle numéro 2 du Bipolaroid Club est: “si vous souffrez d’un trouble psychique, en particulier d’un trouble bipolaire, n’en parlez surtout à personne.”

La règle numéro 3 du Bipolaroid Club est: “si c’est la première fois que vous venez au Bipolaroid Club, d’autant plus si vous venez d’être diagnostiqué⋅e, vous devez vous battre pour suivre les deux premières règles.”

Sachez en effet que, si vous enfreignez les deux premières règles, vous vous exposerez à un étiquetage et une cataloguisation rapides sinon ignorantes avec à terme — surtout si des comportements délirants viennent ultérieurement appuyer votre confession — une inéluctable marginalisation sociale. Une fois que le mal sera fait, sachez que la populace est en général assez basse du front et ne connaît guère d’autre chose que le comptage binaire (0; 1)*. Ainsi, tant que vous serez en dépression profonde et apparaîtrez donc en dormance aux yeux de la société, vous “irez bien” et serez tranquille, à moins que vous ne tentiez de vous suicider (ce qui, rappelons-le, selon la HAS, arrive à 50% des bipolaires au moins une fois dans leur vie). Mais, dès lors que vous parviendrez à lutter contre la dépression (attention, ici, grand débat pour les psychiatres: à quel moment la lutte contre la dépression relève-t-elle d’un comportement hypomaniaque?…) en agissant (essayant d’agir) et existant (essayant d’exister) de quelque manière que ce soit — le danger absolu: les réseaux sociaux —, vous serez immédiatement, ou du moins très prestement, identifié comme ayant dangereusement viré UP (sinon simplement fou) même si au fond de vous-même vous ressentez une grande tristesse. Ne parlons même pas ici des cas désespérés comme celui de l’inventeur du Bipolaroid Club qui brandissent comme un étendard leur lutte contre la maladie quitte à en faire un télétravail à plein temps via des blogs (aberration ultime) si leur maladie les plonge dans des arrêts de travail à répétition. N’oubliez pas (*): le terme “bipolaire” a été créé pour dédramatiser (en enlevant le gros mot qui fâche) et donner un peu de hype à ce que l’on appelait auparavant (à plus juste titre?) “psychose maniaco-dépressive”. D’où le cercle vicieux: soit 0 soit 1, alors que, si vous avez déjà lu plusieurs articles du Bipolaroid Club, vous savez que la déclinaison des états d’humeur et d’énergie se fait sur une échelle allant de –10 à +10 (voir en particulier cet article).

Comme le dit une autre de mes connaissances sur Facebook: “bon courage”.

2 thoughts on “De l’impasse sociale de parler de sa maladie [Bipolaroid Club]

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