He’s Dead

J’ai beau être vespéral, j’ai mal. Mon état s’aggrave de jour en jour. Curieusement, psychologiquement, je ne me sens pas encore tant que ça au fond du trou; je tiens — l’habitude? La catharsis de l’écriture? — mais je ressens une fatigue physique indicible. Je me suis levé tard, vers 11 heures (normal, après avoir écrit “Bipolaroid For The Dummies: How To Become Bipolar?” entre quelque chose comme 4 et 5 heures du matin); j’avais mal au crâne; je suis allé à la pharmacie qui se situe à trois cents mètres de chez moi pour acheter du paracétamol: je marchais extrêmement lentement, je zigzaguais comme si j’étais bourré, et ai même manqué de me vautrer la gueule en passant du trottoir à l’asphalte pour traverser la rue. Comme chaque jour, je n’ai pu faire que dormir (je redoute le moment où je n’y arriverai plus et où je fixerai avec hébétude, désespoir et impatience le défilement des heures jusqu’au soir: la vraie “zone de mort”) et écrire en écoutant de la musique (une à deux heures d’activité intellectuelle par jour, c’est toujours ça de gagné). J’ai quand même réussi à m’occuper des formalités téléphoniques minimum: appeler mon agence immobilière et mon assurance pour le petit dégât des eaux qui se produit dans ma salle de bain. Mais sinon… Lorsque je bois un café pour tenter de rester éveillé et que je fume en même temps, ma main tremble tellement que j’ai du mal à porter la cigarette jusqu’à ma bouche. Mes capacités d’alimentation sont terriblement restreintes: je ne digère vraiment que les fruits, les yaourts et la faisselle — en me réveillant d’une de mes siestes vers 15 heures, je me suis fait un “vrai” repas: des betteraves Franprix toutes préparées, une bonne assiette de pâtes avec de la sauce tomates aux olives Franprix, un yaourt, un carré de chocolat noir à 70% de cacao. J’ai été pris de crampes intestinales, me suis allongé; ça gargouillait de partout, j’avais envie de gerber, et j’ai été obligé de me faire deux grandes tasses de déca pour que tout ça passe. Me suis rendormi…

Et il y a des hantises dont on ne se remet pas en un acte de générosité et quelques tapes sur un clavier d’ordinateur. J’ai encore fait, au cours de la sieste suivant le sus-décrit repas, un rêve–cauchemar relatif à φ; mais, étant dans un demi-sommeil, j’ai pu l’orienter afin qu’il ne devienne pas trop glauque. C’était le 1er décembre au matin — je me réveillais tôt, allumais la radio sur France Inter, et entendais: “… on connaissait le hashtag Harvey Weinstein, on utilisera désormais celui de Vincent Tristana. Hier soir à l’Olympia, la chanteuse Fishbach a littéralement démoli par raisonnable vengeance la réputation d’un malade mental bloggeur l’ayant harcelée avec insistance et persistance au cours des dernières années…” Je coupais la radio, cherchais mes cigarettes, ne les trouvais pas. Sur mon iPhone, un message de la personne à qui j’avais offert la place: “ne sors surtout pas de chez toi!” Je ne comprenais pas et mourais d’envie d’allumer au moins deux ou trois cigarettes. Je me débarbouillais prestement, terminais mon café, m’habillais, et sortais de chez moi. Je descendais lentement les escaliers, ouvrais la porte de mon immeuble et, alors, me retrouvais face à une horde de journalistes, caméras, appareils photo et micros. Ils braillaient tellement de toutes parts que je leur balançais: “oh! Calmez-vous ou je remonte vous chercher quelques-uns de mes barbituriques!” Une première question fusait: “que ressentez-vous?” — “Elle a eu raison; je n’ai que ce que je mérite”, répondais-je, stoïque et raide comme un piquet. Puis: “vous considérez-vous comme fou?” — “je souffre de graves troubles psychiques et je suis traité pour ça. Je suis passé à deux reprises par la case folie pure et cela m’a suffi. Je prends chaque jour mon traitement, ne bois plus, ne me drogue plus…” Encore: “qu’auriez-vous à dire à Flora Fischbach?” Je me plantais alors les yeux dans les yeux face à la première caméra: “Flora, je te dis merci mais toi seule sait pourquoi: je n’oublierai jamais ce début de printemps 2017, où tu me fis voyager dans des contrées que je ne connaissais pas; mais le passé est le passé…” J’essayais alors de m’extirper de la foule mais une journaliste jolie comme la pluie du printemps me demandait: “auriez-vous quelque chose à ajouter?” Je me suis alors réveillé dans ma piaule, sur mon séant, les bras grands ouverts, déclamant avec force: “on n’est pas bien, là, à la fraîche, décontractés du gland? Et on bandera — ou pas — quand on aura envie de bander!”

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