Il va me coûter d’écrire, mais c’est comme le médecin cet après-midi, il faut y aller. Après une semaine de curieuses oscillations, il n’y a plus de doute: je suis de nouveau en dépression (et je n’y peux rien, et ce qui vient ci-après n’y est pour rien; c’est biologique) — ralentissement psychomoteur considérable, fatigue permanente, apathie, manque d’entrain et d’enthousiasme, clinophilie pathologiquement passionnelle (en mode sommeil profond), augmentation de mon déficit d’attention chronique, chute de ma libido, etc. Mais j’ai connu bien pire. Entre –10 et +10, je me situe à –3/–4. J’arrive encore à m’assumer un minimum: je prends une à deux douches par jour, je fais mes courses, me “prépare” à manger (c’est souvent vite fait; vive les crudités toutes préparées, la mimolette et les pâtes — et merde j’ai oublié d’acheter du surimi). Par contre, pour le ménage, il faudra repasser, même dans mes rêves. J’écoute de la musique, arrive à lire un peu… Je n’ai pas d’idées noires. Sur Messenger, depuis hier, je suis en vague contact–flirt avec une superbe italienne fan de Suede. Si j’étais UP, j’aurais déjà réservé une place d’avion ou de train pour la botte. Ah! Mais oui, c’est ça l’autre problème: je suis dans la dèche. Ma carte bancaire sera indubitablement bloquée avant la fin du mois, comme au bon vieux temps de mes années de thésard (j’avais exactement les mêmes ressources mais un loyer bien inférieur, je vivais à Paris et Paris, même à Franprix, c’est cher, et de plus en plus cher). C’est un peu la lose tout ça, mais ça va passer. C’est du moins ce que je me dis.
(…)
Bien — “I’m a loser baby so why don’t you kill me” — évidemment, je me suis endormi après avoir mangé et, n’ayant pas entendu l’alarme que j’avais pourtant activée, j’ai raté mon rendez-vous médical (heureusement qu’il ne s’agissait pas de ma psy). Rien à battre, grâce à Doctolib, j’ai déjà trouvé une solution de remplacement (en dessous de –5, je ne me serais même pas donné la peine de chercher…). L’italienne ne me répond plus — elle a peut-être autre chose à foutre; ou aura-t-elle été inspecter mon profil Facebook et pris peur (si je veux aboutir à quelque chose avec les meufs, faudrait peut-être que je me crée un vrai compte, avec mon vrai nom, dans lequel je n’évoquerai pas ma bipolarité). Je verrai bien, plus tard.
Cependant, revenons à un autre de mes problèmes existentiels: la revente de ma place pour le concert de Fishbach à l’Olympia. Je m’enterre chaque jour un peu plus, comme vous allez le constater. Sur Facebook, aucune réaction de personne à mon annonce. Je suis donc allé sur Instagram (où je dois avoir une petite cinquantaine de followers…) et me suis mis en tête de créer une “story” — chose que je n’avais jamais faite; ce n’est pas si dur en fait. J’ai cherché dans mon iPhone la première photo correcte relative à Fishbach et en dix minutes c’était plié:
J’ai attendu quelques temps (sans doute ai-je dormi) et ai ensuite réalisé que seulement deux ou trois personnes étaient venues visiter ma story. C’était pas gagné, encore moins que sur Facebook. J’ai alors avisé la story de Fishbach à côté de la mienne. J’ai cliqué. Elle faisait la promotion d’un type qui revendait sa place pour un concert en Bretagne. Je n’ai pas beaucoup réfléchi: là était-elle la solution! Au bas de ma story, j’ai noté qu’il y avait une option “Partager avec…” Bham! Je lui ai directement envoyé l’annonce avec un court message du genre “merci de faire circuler…” Elle ne m’a pas répondu (logique; elle ne me répond jamais). Tout à l’heure, je suis retourné sur Instagram: il y avait une nouvelle story de la Belle aux Ardennes Flambantes — sans rien concernant mon désir de revente de la place. Questions. M’aurait-elle de plus ou moins longue date bloqué et ne recevrait-elle pas mes messages? Attendrait-elle un moment plus opportun (son retour sur Paris) pour diffuser l’annonce? Si ces premières hypothèses sont écartées, aurait-elle lu dans l’image de la story — la vitre d’une voiture, un rétroviseur en majeure partie occulté par le CD de son dernier opus — une provocation romantique (“tu es dans le rétroviseur, tu appartiens au passé, bye bye baby”)? (Personnellement et rétrospectivement, je trouve l’image d’un triste…). En aurait-elle ras-le-bol, n’en aurait-elle strictement rien à foutre de moi? (“Tu es assez grand, démerde-toi pour revendre ta place de merde…”). Me détesterait-elle, m’en voudrait-elle tellement pour mon horrible stalking d’il y a trois ou quatre ans (voire pour ma lettre d’adieu du mois de mai…) que — en supposant qu’elle aura en plus lu mes récents posts sur Facebook et sur ce blog — dans un désir de représailles de bonne guerre elle ne penserait qu’à me laisser crever dans mon angoisse? (Elle m’appréciait pourtant tellement au tout début, avant que je ne partisse en vrille, aux mois d’avril et mai 2017, à me dessiner des petits cœurs en dédicace sur la pochette de ses disques…). Souhaiterait-elle que je ne parvienne pas à revendre ma place, que je décide finalement de venir la voir à l’Olympia? Pour me prouver qu’elle est encore plus hallucinante en concert qu’il y a cinq ans? Pour m’humilier comme dans mes cauchemars? Pour me parler en face-à-face après le show si je trouve le courage d’affronter son regard? Tant de questions qui resteront sans réponse dans les deux semaines à venir sinon à tout jamais? Vu la sale pente descendante sur laquelle je suis, de toute façon…
Dans la mesure où je ne suis pas prêt de recommencer à travailler, ma psychiatre m’a conseillé de me trouver un projet. Je sais: je vais écrire un roman (enfin!) — ce s’appellera Le stalker de fleurs. Espérons que d’ici-là une belle italienne vienne me sauver de ces obsessions et angoisses.