Et bien Tristana, qu’est-ce que c’est encore que ce caca nerveux que tu nous fait? T’as tes règles ou quoi? Après des cycles d’humeur à l’échelle de plusieurs années, tu vas nous en faire à l’échelle de la semaine (voir tes deux précédents articles)? Tu as dormi déprimé presque toute la journée d’hier, as pris tes médocs à 20 heures, t’es jeté dans le lit une demi-heure plus tard sans parvenir à digérer le taboulé, t’es réveillé une première fois vers 23 heures pour scroller et écrire quelques conneries sur Facebook, t’es recouché en matant un mauvais mais tendre porno sur ton iPhone, heureusement qu’il durait quarante minutes car malgré le tadalafil tu n’as réussi à bander qu’au bout d’une demi-heure (là tu t’es dit que si tu n’avais plus de libido même avec support chimique tu étais bel et bien en dépression), tu as finalement maigrement joui sans prendre le temps de te nettoyer, t’es réveillé une seconde fois tout poisseux vers une heure du mat’, as pris une douche, fumé une clope, replongé dans un sommeil un peu superficiel, t’es réveillé une troisième fois un peu avant 6 heures car tu avais faim, as bu un grand café en te disant dans un élan d’allégresse prématuré que peut-être — peut-être — cela vaudrait le coup d’aller trottiner avant le lever du jour, mais, voyant que tu piquais du nez sur la fin de la tasse, tu t’es recouché, as lu quelques pages de Despentes, t’es rendormi — deux heures plus tard tu émergeais tout frais dispo: te rappelant qu’ils diffusaient Pacifiction d’Albert Serra (tu avais aperçu quelques bonnes critiques dans la presse) à l’UGC des Halles à 9 heures 20 tu t’es prestement vêtu et un quart plus tard tu plongeais dans le métro, CHVRCHES à burnes dans le casque, dans des rames bondées mais sans coup férir, et tu es arrivé pile à l’heure pour la séance — tu t’attendais à une salle vide c’était bondé tu t’es mis au premier rang et évidemment au bout de dix minutes tu ne suivais plus rien et tu t’es barré (au fait, comme ça en passant, ça servait à quoi de prendre un abonnement UGC–MK2 illimité si c’est pour ne regarder à chaque fois que quelques minutes des films??), as presque couru jusqu’à la Fnac mais ces cons n’avaient ni Requin Chagrin en vinyle ni le moindre roman de Sylvia Hansel (la vendeuse: “Les adultes n’existent pas?… Cela doit être au rayon enfants…”), t’es alors dit que tu avais assez donné pour la matinée et as repris le métro en écoutant l’incroyable version remasterisée d’Actually des Pet Shop Boys — mais qui d’autre que toi dans ce vaste monde écoute encore ce groupe? Oui, tu diras qu’ils sont largement sous-estimés mais tout le monde s’en battra les couilles…
Plus sérieusement: oui, c’était/c’est une vraie alerte — un sérieux avertissement — cette invraisemblable et inattendue et (espérons-le) courte rechute. Qu’est-ce qui a déconné? Le seul fait de revivre, comme tu dis, “subnormalement”? La pinte et le pétard de mercredi dernier? Le fait de ne pas te sentir assez énergique pour profiter de la vie nocturne parisienne?… Non, il ne faut pas déconner. Tu le sais: la vérité, tu l’as écrite sur Facebook. Il faut faire gaffe avec le sport. Tu as couru quatre fois la semaine dernière! Putain, as-tu oublié qu’entre mi-juin et fin octobre, que ce soit en clinique ou chez papa, tu ne marchais pas plus de 30 mètres par jour? Tu n’es plus tout jeune, tu es malade, et jamais plus tu ne recourras comme tu courus ce 21 janvier 1993 lorsque, comme soutenu par les cieux, tu terminas à la vingt-et-unième place des championnats de France de cross country catégorie cadets, gagnant vingt bonnes places dans les 800 derniers mètres — ou comme tu courais totalement débridé au bord de l’Océan Pacifique il y a une dizaine d’années déjà. Le sport, surtout ce sport éreintant, du moins pour le moment, du moins à cette échelle, ce n’est peut-être tout simplement plus pour toi. Essaye le ping-pong ou la pétanque. Oui, oui, oui, aucun sport ne t’a jamais procuré les orgasmes cérébraux qu’a pu te procurer la course de fond. Tu en trouveras d’autres des orgasmes. Un footing de temps en temps, OK. Mais il est temps de grandir: tourne la page. Et, pour le moment, retourne te coucher, lavette. Il va t’en falloir du temps pour récupérer des années que tu traînes derrière toi comme de lourds boulets.