Lorsque je me lève de mon lit, tout vacille autour de moi. Je suis en pyjama (caleçon et T-shirt Fishbach). Détails préliminaires. C’était donc trop beau pour être vrai: trois semaines de pseudo-stabilité et badaboum me voici de nouveau en route vers le fond. J’arrive encore à écrire, c’est déjà ça. Mais depuis trois jours je passe la majeure partie de mes journées au lit, sans presque même pouvoir lire ni écouter de musique. Hier, j’ai réussi à me traîner comme un vieillard jusqu’au Franprix qui se situe à trois cents mètres de chez moi. L’après-midi, l’un de mes meilleurs amis de post-adolescence — lorsque nous vivions ensemble à la Cité Internationale Universitaire de Paris —, expatrié de longue date et de bref passage en France, est venu me voir. Nous avons beaucoup ri, je donnais le change de façon normale mais, à peine me quitta-t-il vers 17 heures je m’écroulai pour dormir jusqu’à 20 heures. Aujourd’hui c’est très dur. Trois jours consécutifs de DOWN, c’est généralement le seuil fixé par les psychiatres — du moins crois-je me rappeler — pour diagnostiquer une entrée en dépression. J’espère me tromper. Mais, cela mis de côté, ah!… 2020, 2021, 2022, bientôt 2023…. Parsemée de quelques brefs sursauts et crises de manie délirante (lorsqu’on m’overdosait d’antidépresseurs en clinique: voir plusieurs articles que j’ai pu écrire l’hiver et le printemps derniers, notamment la fameuse et délirante “Lettre d’adieu à Flora Fischbach”), la dépression ne me lâche pas. Me lâchera-t-elle un jour avant la mort (et quel type de mort)?“But I think that God’s / Got a sick sense of humor / And when I die / I expect to find Him laughing” (Depeche Mode, “Blasphemous Rumours”, 1984). Mon traitement est-il inadapté? Des années que je jongle en vain avec les médocs suivant les ordonnances des psychiatres… L’euthymie reste encore un leurre, une utopie pour moi; pessimisme propre à la dépression: la stabilisation, je sens que je vais devoir me montrer patient avant de réellement l’atteindre. Et la fameuse “retraite anticipée” de la fonction publique me pend de plus en plus au nez…
Tout cela commence à devenir très pénible. Allez! Je regarde étalés sur le couvercle de ma platine vinyle les nombreux CD que j’ai empruntés à la médiathèque et ai pris le temps d’écouter avant de chuter dans la quasi-totale indifférence. Il y a les disques de “rock indé” sur lesquels je n’ai pas tenu plus de trois ou quatre morceaux (Adore Life de Savages, Wide Awaaaaake de Parquet Courts, Change The Show de Miles Kane…), les disques dépressifs rejetés immédiatement (Ones And Sixes de Low — en plus la batteuse Mimi Parker est décédée il y a peu), les bombes R’n’B que je garde pour plus tard (Rated R de Rihanna et Future Nostalgia de Dua Lipa), les claques synth-pop que je connaissais déjà plus ou moins (Every Open Eye de CHVRCHES), les chiantises absolues (Cigarettes After Sex), etc. Et, au milieu de tout ça, un trésor de french pop: Bye Bye Baby de Requin Chagrin. Il y a deux jours, pour varier de mes sempiternelles lamentations ou exaltations nombrilistes, j’escomptais en faire une chronique détaillée. J’ai évidemment oublié ce que je voulais écrire et n’ai pas pu faire les recherches additionnelles nécessaires — remettons ou pas cela à plus tard. Je ne balancerai ainsi ici que quelques insuffisants mots-clés: perfection (il n’y a rien à jeter sur ce disque), entraînance, poésies simples et touchantes, mélodies entêtantes, production ultra-soignée… Et cette pochette: une voiture, la pleine lune. J’aimerais être légèrement UP, louer une bagnole, driven by the full moon effect, et jouer en mode repeat ce disque sur une autoroute, sans destination précise. Enfin, égaré sans doute à dessein vers la fin du disque, ce chef d’œuvre absolu (à écouter ci-dessous): “Love”, dont les notes démarrent exactement au moment où j’écris cette phrase. Je ne sais pas comment expliquer: mais ce disque me donne espoir pour un futur meilleur. “Requin Chagrin”: c’est encore tout moi ça — quelqu’un avide de mordre la vie à pleins crocs mais entraîné par des courants de mélancolie. Écoutez, écoutez, écoutez! Moi, dès que j’aurai un peu d’énergie (mais quand?), je courrai à Gibert ou à la Fnac pour acheter le vinyle de l’album.