Je vais devoir me montrer vigilant. De petites choses anormales commencent à se produire. Laissez-moi vous expliquer. Hier matin, je suis allé courir. C’était agréable mais un peu laborieux: je m’accrochais à des types clairement plus âgés que moi et je devais tenir une cadence de 11, peut-être 12 km/h maximum. Le soir je me suis autorisé une bière (je bois en moyenne un verre par semaine) — rien de bien préoccupant — et j’ai fumé un joint après avoir retrouvé un petit bout de shit dans le tiroir où je range mes câbles informatiques — encore une fois rien de bien préoccupant. Le mauvais truc c’est que j’avais emprunté plein de disques à la médiathèque musicale du Forum des Halles et qu’à vouloir en écouter un maximum, je me suis couché à près d’une heure du matin (tous les psychiatres vous certifieront que pour un bipolaire les heures de sommeil avant minuit sont capitales; j’ai ainsi remarqué que si je voulais être en forme je devais me coucher vers 22 heures — ce qui est d’un chiant). J’ai passé la journée d’aujourd’hui en mode gueule de bois, comme si j’avais fait un barathon la veille. Après une bonne sieste dans l’après-midi, j’ai décidé d’aller courir. Je suis parti un peu avant 17 heures, il faisait un bon petit froid stimulant, j’écoutais le dernier Suede, mais je me suis dit: ça risque d’être encore laborieux. Et… Pas du tout! J’ai tout de suite compris que j’étais parti sur un mode complètement différent. Bon, quand au bout de dix minutes un petit jeune m’a doublé à plus de 16 km/h, je l’ai laissé glisser sur le côté et me suis dit: “eh ouais, tu es un vétéran maintenant.” Mais ça m’a quand même un peu piqué comme une mouche. Je me suis égaré un instant dans les sentiers du Bois, me suis fait la réflexion que c’était une erreur monumentale vu que la nuit était complètement tombée et que je risquais de me faire violer (j’en ai vu des bites exhibées outrageusement au Bois de Vincennes quand j’y courais il y a une quinzaine d’années…). J’ai rejoint les itinéraires éclairés et me suis rendu compte que malgré le temps passé (l’album de Suede dure exactement 45 minutes et je l’avais relancé au début), je pouvais encore accélérer; j’ai dû courir le dernier quart d’heure à facilement 15 km/h. Quatre km/h de gagnés en 36 heures avec mon maigre entraînement (je n’ai repris le sport qu’il y a deux semaines) et ma mauvaise condition physique (je ne mange pas assez et fume encore trop de clopes). Cela… N’est pas… Normal… J’ai déjà insisté là-dessus: lorsque je suis UP je cours nettement plus facilement et rapidement que lorsque je suis DOWN ou même au niveau zéro. Soit j’étais curieusement touché par la grâce soit je dois voir dans tout ça les prémices d’une petite ascension hypomaniaque — car, détail saisissant, j’ai eu un véritable accès tachypsychique (accélération ordonnée et cohérente des idées) tout en courant, c’est-à-dire que j’ai rédigé le présent article pendant l’effort: j’ai terminé avec un brouillon pratiquement abouti dans la tête et là j’écris tout en me préparant à bouffer — alors qu’en général j’aime ne penser strictement à rien lorsque je fais du sport. Je psychote un peu? Suis-je excessivement sur mes gardes? Allez, dans une heure je serai au lit, sans passer par la case je réanalyse les articles de mon blog que j’avais oubliés — quel effarement hier à relire la “Lettre d’adieu à Flora Fischbach”, écrite ce printemps en clinique au cours d’une courte mais intense phase maniaque: cela m’a valu un bon petit cauchemar (ladite chanteuse me harveyweinsteinait en plein concert — notons qu’en plus je suis en pleine lecture de Cher connard de Virginie Despentes) et je suis resté au réveil partagé entre hilarité en regard du pathos de la lettre (mais, comme me l’a dit à juste titre un ami il n’y a rien de risible, j’étais juste en crise à ce moment-là), honte et angoisse à l’idée de recroiser Fishbach de près (j’ai acheté ma place pour son concert à l’Olympia du 30 novembre prochain il y a plus d’un an — ira, ira pas? Pfff; son dernier disque ne m’a vraiment pas convaincu et son nouveau style — très fardé et costumé — ne m’hypnotise absolument pas comme m’hypnotisait l’ancien…). Bref. On verra bien… Mais au prochain signe un peu préoccupant je contacte ma psy pour savoir si je dois encore franchement diminuer la petite dose d’antidépresseurs que je prends encore… Ce n’est pas que je serais contre un petit UP (cf. “La fameuse nostalgie du UP”) mais le prix à payer derrière (entrée dans la manie délirante ou rechute en dépression) est trop lourd. Avec toutes ces conneries nombrilistes j’ai foiré mon omelette. Buenas noches.
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