L’amour n’existe pas

Évidemment les choses ont dégénéré. Évidemment que j’ai chié, évidemment que, malade comme je suis, je n’ai pas été à la hauteur. Elle m’a intonisé de fuir et je l’ai fait. Face au mur qu’Elle me tendait, je me suis retourné et me suis rappelé cette fois où Elle m’avait qualifié d’âme faible. Ainsi serais-je? Ainsi les choses commencèrent-elles à se déliter? En phase maniaque sans doute irais-je la chercher au bout de la Terre, dans mes limbes actuelles aimer et être aimé concrètement me sont malheureusement proscrits — dois-je ici me relire et corriger rationnellement, en expérience de cause, la phrase: la dépression comme la manie mènent à la pure perte amoureuse? Comme le travail, finalement: en six ans de bipolarité, je n’ai travaillé que deux mois et aimé une poignée de jours. Cependant, lamentablement mais fièrement, inévitablement je regarde le fond d’écran de mon ordinateur portable: comme un con fier de sa psychose, se mordant la queue tout en sachant y retrouver son… (en cinq lettres, j’ai:) phare, je n’ai toujours pas trouvé le moyen de retirer la pochette du prochain album de Fishbach et ce visage trop parfaitement capté et embelli par la photographie (oui, Elle me déteste pour ça, aïe, sans doute devrais-je plus convenablement écrire: “Elle me déteste pour Elle”). “Les choses que je ne connaîtrai jamais me manquent déjà / Je ne connaîtrai jamais les choses que j’ai déjà manquées…” Il n’est sans doute pas hasardeux que je me sois toujours tant reconnu dans la chanson “Troublemaker” de Nada Surf (plus de vingt ans déjà…), envolante bande originale d’un surf movie de solitude et de frustration. Précocement impuissant du fait de toutes ces saloperies chimiques et de toute façon éternellement manquant à l’appel de l’idylle: dans de tels moments qu’il serait tentant de sauter dans le doux ruisseau bordé de fleurs bleues qui mène au suicide. Mais, alors, je préfère penser à certains de mes amis de toujours qui, pourtant parfaitement sains d’esprit (médicalement parlant, d’accord?), ont depuis belle lurette renoncé à la gente féminine, préférant trouver un épicurisme salvateur dans l’amour de soi et l’adoration des milliers de pochettes de leurs discothèques; et, de proche en proche, je nous imagine dans un Valseuses désabusé du troisième millénaire, quelque part dans le sud-ouest de la France, attablés devant une rangée de pintes — qui prononcerait la phrase fatale? “Dans le fond, la majorité des femmes veulent des hommes–couteaux suisses, preux chevaliers à la fois tendres et phallocrates; et, dans le fond encore, la majorité des hommes veulent des putes et de la cocaïne.” Au moins l’aurai-je écrite. D’aucuns me conseilleront le concombre- ou la bite-au-cul. Je préfère retourner dans mes rêves de chevalerie d’enfance: j’y côtoyais une certaine Princesse Ludivine, grande, élancée, cheveux châtain, peau claire, yeux émeraude, qui, dans le monde réel, toisait toute la foule du collège de sa majestueuse séduisance — oui, évidemment, à travers mon espace–temps, une procuracie de Fishbach. Dites donc, vous encore! Seriez-vous homme comme vous tendez à le paraître dans vos poses récentes vous aimerais-je autant? Henri Laborit (Éloge de la fuite), mon mentor de jeunesse dans les années qui suivirent le décès de ma mère, l’avait dit, au détour d’une interview dans une revue scientifique: c’est dans l’onirisme humain que l’on trouve les plus belles choses. Deuil un jour, deuil toujours. I already miss the things that I will never know / I will never know the things that I’ve already missed. True love wait?

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