“Chacune de mes chansons est comme un tableau (…)” — Une revisite de Fishbach par Salome Piatyszek et Vincent Tristana

Je ne sais pas si je rechute. Je ne sais pas si ma tachypsychie ne fait que s’accroître en parallèle de mon constant abattement physique et de mon quasi-autisme (quétiapine de merde, je vais devoir harceler mon psychiatre pour qu’il accepte de me remettre sous aripiprazole en échange). Je ne sais pas si je dois continuer à écrire, je ne sais pas si je peux encore écrire le mot F______h. Dois-je accorder de l’importance aux regards suspicieux et inquiets, aux silences lourds, aux sempiternelles paroles en ritournelles de mon entourage, de près ou de loin. Qui comprendra ce dont je suis de plus en plus persuadé — que je ne peux sans doute plus être être normal, que je serai toujours soit dépressif, soit maniaque, (sinon, comme j’ai pu l’écrire dans l’article “Un bref aperçu philoquantique de la bipolarité”, noyé dans un “stack” en millefeuille de ces deux états), et presque toujours tachypsychique, et presque toujours fishbachomaniaque, et toujours, toujours pris dans un étau de tension extrême, résultat d’un chemin d’existence parsemé de trous noirs et de pièges? Qui saisira que, dans le manège médical censé contrôlé ma maladie, la moindre modification de mon traitement pharmaceutique est susceptible de m’envoyer richocher en un point ou un autre de la grande carte en n dimensions de mes états d’âme — au jour le jour, les effets se font sentir immédiatement ou avec quelques jours de délai, pas plus. Qui comprendra à quel point les sanglots déchirent mes entrailles, à quel point j’ai besoin de lunes et d’étoiles pour m’illuminer et m’orienter au long du chemin sombre, scabreux, orniéré, bordé d’arbres rachitiques et fantomatiques que je suis, tournant de temps à autre la tête de droite et de gauche sans plus savoir qui je suis? Qui a le droit de m’interdire de penser à Fishbach et d’écrire sur et plus que tout à travers elle tant qu’il n’y a rien de diffamatoire et d’insultant? Qui a le droit de m’empêcher de choisir la Vie plutôt que la Mort, la Lumière plutôt que le Néant? Qui a le droit de m’interdire de m’occuper plutôt que de sombrer? Qui a le droit de m’empêcher d’être Fishbach? Je suis malade mental, je le crie haut et fort et je crie haut et fort que Fishbach (l’artiste autant que la personne mais en rien l’amante potentielle) a été et est toujours, oui, autant réemployer ce terme de l’époque, ma “propre déesse du printemps et des fleurs” (sens mythologique du prénom “Flora”), pour le meilleur et pour le pire et qu’il n’y aura PAS de pire cette année? — Que croyez-vous? Dans mes années de folie totale, en 2018 et 2019, j’ai exploré jusqu’à l’épuisement tant de lignes de vie potentielles… Chaque jour s’ouvre ainsi des possibilités d’agir que j’adopte ou rejette, comme dans un test en statistiques. Je me dois, parfois, d’être égoïste, je me dois, en ce moment souvent, sinon quotidiennement, de laisser se désintégrer les voix et regards des autres si je veux survivre. 

Et puis, il n’y a pas que Fishbach; je rencontre bien d’autres phares (certes, alright, connectés à la susdite chanteuse) dans mon parcours de légionnaire. Oh, mon Dieu, Yann Barthès! J’ai attendu si longtemps avant de regarder cette apparition de Fishbach dans votre émission Quotidien du 26 novembre 2021, avant d’oser affronter de nouveau sur mon écran d’ordinateur le “cristallin” — green and submarine” — de son regard. Je ne vais pas répéter à l’envi “oh là là, quelle classe, quel magnétisme, quelle prestance, maintenant elle se maquille, maintenant elle laisse apparaître ses jambes, blablablabla”; inutile de retomber dans le cliché. Non… Je pourrais vous en vouloir de ne pas l’avoir titillée pour qu’elle délivre un entraperçu plus poussé de son prochain album (sans doute tient-elle à ce qu’un nuage opaque de mystère le recouvre encore…). En revanche — on me croira ou on ne me croira pas là encore —, j’ai su, Yann Barthès, j’ai su à l’avance, comme je sus le 12 avril 2017, au cours d’une belle après-midi de printemps, que j’allais la rencontrer le soir-même au concert de Cléa Vincent à la Gaîté Lyrique, comme je sus, sur la route de son concert à Arlon en Belgique le 3 mai 2017, que j’allais voir s’ouvrir les portes d’un autre univers superposées à la scène de concert dans l’église Saint-Donat avant de me perdre une nuit entière dans l’ivresse de ma première vraie période de délires maniaques, exemples de phases prémonitoires prises au milieu d’autres — oui, bien sûr, la relation entre Fishbach et moi est avant tout métaphysique —, j’ai su, donc, que les affirmations suivantes allaient être soulignées: “vous dites que le point commun entre les différentes personnes constituant votre public fidèle est qu’elles sont toutes un peu vrillées” (phrase qui chaque fois me rassure: il y a sans doute des cas plus déséquilibrés que le mien); et: “vous dites que chacune de vos chansons est comme un tableau, une femme que j’aurais pu être”… Bham. Oui, j’ai quinze ans, je les ai depuis toujours ou presque, depuis qu’elle est arrivée sur notre planète en fait (je n’entre pas dans le chapitre des synchronicités, périlleuse porte entrouverte sur la manie). Je me suis un peu perdu dans ses sourires, ai été une fois de plus impressionné par sa culture musicale, et me suis dit que j’allais jouer au Club Dorothée tout l’après-midi: réécouter son premier album et chercher des sportives qu’elle aurait pu être à chacune de ses chansons (elle est athlétique et si elle arrêtait de fumer elle pourrait encore cartonner sur 10,000 m), activité youtubesque qui m’a profondément gavé au bout de quelques minutes. 

J’ai alors appelé Salome. Salome Piatyszek est une amie et artiste franco-polonaise. Je lui ai parlé de l’émission, de toutes mes phases de “précognition” (“oui, mais ça c’est de la schizophrénie”, m’a-t-elle encore dit) et je lui ai proposé le challenge:  me laisser puiser dans sa collection de reproductions de créations (essentiellement en technique mixte) sur Instagram pour illustrer chacune des chansons du premier album de Fishbach. Elle a dit oui. On s’occupe comme on peut dans une clinique psychiatrique (on appelle même ça de l’art-thérapie) et, en parcourant l’album Instagram de Salome, je me suis rendu compte, doucement tétanisé, à quel point certaines créations collaient vraiment bien avec les chansons de Fishbach, invitant/-citant à leur donner un nouveau visage, à les réécouter d’une manière différente. Suis-je à ce point un Stalker où verrais-je trop à travers Fishbach ce qui j’y voyais comme tant d’autre et ce qu’elle-même aimait à voir à son intérieur lors de ses débuts magestueux il y a un cinq ans: l’ “élément intermédiaire”, le “Vous”, le “Nous”, un point de rendez-vous et de partage pour la conscience collective?… 

Mon voisin de chambre, devenu au fil des jours un véritable frère d’armes dans la douleur comme l’euphorie, dans la lutte contre nous-même, s’en est allé aujourd’hui. Cela fera très bientôt un mois que je suis ici. See you (who?) @Oympia, Paris, in November? 

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