Une journée-type à la clinique: chronologie (#Mélancolie; #Fishbachomanie)

6:00. Je me réveille une première fois et me rendors immédiatement après m’être remémoré les paroles et cris étranges émis au cours de rêves en phase de demi-sommeil.

7:45. Mon voisin de chambre Greg se lève: c’est l’heure de la distribution des médicaments. Je sors du lit sans effort, excité par la nouvelle journée qui commence et repensant à l’article “Le coureur” écrit la veille.

8:00. Je fais un copieux petit-déjeûner: beaucoup de pain avec un peu de beurre et pas mal de confiture plus, évidemment, une grande tasse de café noir.

8:30. Je sors dans le patio fumer la toujours merveilleuse première cigarette de la journée. Le temps est magnifique, froid et sec, avec un ciel bleu pâle et des nappes de brume dans la vallée. Je rentre et prends doucement le temps de me préparer pour aller courir (caca, habits, pipi, pré-sélection de la musique dans le lecteur mp3…).

9:15. Je cours 45 minutes en écoutant la BO du film Blade Runner par Vangelis, à une allure très lente (susceptible d’être maintenue pendant des heures) pour récupérer de la sortie rapide de la veille au soir et pour tasser les angoisses matinales. Je me livre ensuite à un de mes jeux favoris: je fais des allers et retours au long d’un parcours de 150 m comportant une première partie en côte à 10% et une seconde partie parfaitement plate. Je vais très vite dans la partie en côte et j’accélère encore dans la partie plate. Je reviens en marchant-trottinant et en déroulant dans la descente. Je répète le tout huit fois, en écoutant une partie de l’album Empire de Kasabian. Je croise Salomé et d’autres patients; Salomé fait des ronds avec sa main près de sa tête pour me faire signe que je suis givré. Sensation d’euphorie totale. Je cours ensuite 5 minutes à allure très lente, m’étire rapidement (il fait froid!), et retourne à l’intérieur de la clinique.

11:00. Je prends une douche et une collation de récupération (barre hyperprotéinée plus un demi-litre de pamplemousse à l’eau).

11:30. Un peu las de patienter dans la salle d’attente de mon psychiatre, je sors fumer une cigarette dans la brume qui a eu le temps de monter jusqu’à nous au cours de la matinée. Je reviens à l’intérieur, repense en rêve à mon projet de rallier Paris à Rouen en courant pour assister au concert de Fishbach. C’est évidemment insensé et hors de portée. Je me dis que partir d’Evreux où réside un de mes oncles (ce qui constituerait une distance d’un peu moins de 60 km) serait bien plus ajusté; mes frères pourraient m’accompagner en vélo ou en voiture et nous dormirions dans un hôtel à Rouen. Je rêve, je rêve, je rêve — bien plus au final d’une arrivée en courant sur un nuage sur le parking désert de la salle Le 106 dans l’après-midi précédant le show que du concert de Fishbach en lui-même (quoique…). 

11:50. Entretien en symbiose parfaite avec mon psychiatre qui rajoute un neuroleptique et une demi-dose de somnifère à mon traitement. Il me confirme qu’il est trop tôt pour diminuer encore davantage les antidépresseurs.

12:10. Je déjeûne seul avec Christiane. Greg et Sandrine ne viennent pas. Scène grandiose: la diététicienne de la clinique passe accompagnée de deux aide-soignantes parmi les patients pour leur demander s’ils sont satisfaits de l’alimentation. L’échange qui se produit lorsqu’elle arrive à ma table est extrêmement véhément sinon violent: elle n’a pas du tout l’air d’apprécier mes remarques et critiques ce qui ne fait que m’encourager à les multiplier. Lorsque je lui demande “vous connaissez l’index glycémique, quand même?”, elle émet un petit “moui” peu convaincant; et lorsque je lui dis, priant pour qu’elle assentisse à ma remarque, que le petit-déjeûner est le repas le plus important de la journée, elle me répond sèchement: “pas selon les normes européennes…” Je détourne le regard et me remets à manger: “cette discussion est terminée. Vingt ans de retard…”, me retenant de lui balancer qu’elle a obtenu son diplôme dans une poubelle. J’adore comme je déteste l’hypomanie.

12:45. Déca plus cigarette dans le patio.

13:00. Besoin de solitude et d’isolement. Je m’allonge dans mon lit en ronronnant comme un chaton. L’infirmier passe me donner ma ration de Valium. Mon père m’appelle pour prendre de mes nouvelles. Je lui demande ce qu’il pense de mes projets de course d’endurance en famille entre Evreux et Rouen pour la fin du mois d’avril. “Es-tu sûr que ce soit le moment de faire de tels plans sur la comète?… En as-tu parlé à ton psychiatre?… Ne préfères-tu pas préparer un semi-marathon ou un marathon?….” Il a peut-être, probablement, sans doute, évidemment (?) raison. Du moins est-il inquiet, préoccupé… Mon entourage irait-il jusqu’à me faire hospitaliser juste parce que je veux voir un concert de Fishbach? Flora, pourvu que ton album, qui sortira dans un mois, soit une vraie daube! Pourvu que tu me blacklistes pour toujours! Mais qu’ai-je fait au cours des cinq dernières années?? Je revisualise le concert au 106 du 27 avril 2017, repensant à comment mon pote Alex et moi étions sidérés par la puissance de la prestation (nous étions prêt à placer le concert tout en haut de nos classements respectifs de tous les temps), repensant à comment, fasciné et tétanisé, je l’observais (elle, pas Alex) tirer calmement sur sa cigarette dans le fumoir, à quelques mètres de nous. Je ferme les yeux. L’histoire ne fait que se répéter. Les larmes coulent. Je suis en train de virer bipolaire type III — alternance et superposition de moments d’euphorie–hypomanie et de moments de mélancolie–dépression: contexte trop favorable aux tentatives de suicide. Je ne suis pas sorti de la clinique.

14:00. Incapable de trouver le sommeil, je me lève, me rends compte que le repas de ce midi (poulet au curry, haricots verts, camembert, kiwi) était évidemment insufisamment pourvu en hydrates de carbone en regard de mes efforts quotidiens. Fringale. J’ouvre un petit gâteau de riz Yabon, vais chercher une touillette en plastique: il me faut presque cinq minutes pour en venir à bout tellement je tremble. J’avale deux barres énergétiques en complément, vais me chercher un café et commence à écrire cet article.

15:10. Pause cigarette. Je me dis qu’il va falloir que j’augmente la durée et/ou l’intensité de mes séances de course pour diminuer ce vilain tabagisme (LOL).

15:40. J’écoute toutes les versions de la chanson “Mortel” de Fishbach que je possède sur mon ordinateur. Puis, pour la première fois depuis la mi-décembre où j’avais fait un rejet catérorique de ses deux nouvelles chansons, je regarde le clip de “Masque d’or”. Je me connais: je ne pourrai juger et potentiellement adorer ses nouvelles créations que le jour où je pourrai écouter l’album dans son intégralité. Mais quelle présence… Et ces yeux émeraudes… Comme toujours, j’éprouve un sentiment d’attraction magnétique mêlé à un sentiment de peur. Cependant, elle a les jambes parfaites pour être coureuse de demi-fond. Eussé-je été son entraîneur dans une vie antérieure? 

15:55. Je passe à 48:13 de Kasabian. Je suis de nouveau en extase. Il va être temps de penser à retourner courir.

16:30. Je pars pour 48 minutes et 13 secondes de course à une allure relativement soutenue (le passage de la côte à chaque tour me faisant quand même un peu mal aux mollets) qui suffisent à me calmer et m’offrir une belle sérénité (sérotonine, quand tu me tiens… Yes!). Je reviens au bâtiment de la clinique en écoutant “Y crois-tu?” de Fishbach et en chantant à tue-tête dans la grisaille scintillante. 

17:50. Je sors de la douche mort de faim. Presque une heure avant le repas. Biscuits Gerblé et barre énergétique et pamplemousse à l’eau. 

18:20. Chocolat chaud et cigarette (again!). 

18:30. Rapide relecture et correction de l’article. 

18:45. Repas idéal de récupération: souplette, steack haché dur comme de la pierre (j’y touche à peine), coquillettes, yaourt nature, et salade de fruits. En outre… Ça y est, Greg est converti à Fishbach: il veut m’accompagner au concert du 27 avril au 106 à Rouen! Je suis parcouru de bouffées de chaleur: mon organisme continue à brûler au même rythme que celui de la course (en nutrition du sport, on appelle cela les “cycles futiles”).

19:30. Dans notre chambre, Greg connecte “Mortel” de Fishbach sur son enceinte JLB. Je ne suis ni bipolaire de type I, ni bipolaire de type III, mais bipolaire de type infini: psychose fishbachomaniaco-dépressive. Je vibre, putain! Il me fait découvrir une reprise de “Hey You” de Pink Floyd par Amandine Bourgeois (mortel!), et je repense à cet article “Mort en direct” écrit au mois de décembre. Que cela me semble loin mais que je me sens encore mélancolique et fragile comme un bébé… Mes doigts ne tapent pas sur le clavier de l’ordinateur: il les défoncent une à une… Greg enchaîne sur “Téléportation” de Fishbach; si le morceau ne me convainc pas encore, le clip colle parfaitement avec l’ambiance ardenno-brumeuse dans laquelle nous sortons ensuite fumer une cigarette accompagné d’un déca… 

20:20. Dans quelques minutes, les cachetons seront là. Puis suivront les coups de téléphone, les blabla dans le hall, la tisane et le dodo.

See you where, see you there… 

 

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