Un ami m’avait dit par mail: “je préférais quand tu écrivais des poèmes en espagnol.” Il avait bien raison mais, lorsqu’au passage critique de l’année 2018 à l’année 2019 (voir les évocations de cette période dans certains des premiers posts de ce blog), je publiai sur internet sous le pseudonyme de David Anderson un article intitulé “I Had A Sci-fi Lullaby Dream: I Was Meeting The Fishbach’s Other One In A Wormhole” (visible et téléchargeable ici) — littéralement: “j’ai fait un rêve-berceuse de science-fiction: je rencontrais le double de Fishbach dans un trou de ver” — j’étais non seulement persuadé qu’il s’agissait de mon chef d’œuvre absolu mais qu’en outre un tel texte pouvait changer le destin de l’humanité. J’ai retrouvé et relu l’article: c’est un invraisemblable patchwork d’histoires et thèmes entremêlés, écrit dans un anglais excessivement technique, exposant des concepts totalement abscons, reposant plus ou moins sur une maîtrise extrêmement approximative (disons-le: une non-maîtrise) de la mécanique quantique, mais quelque part extrêmement instructif quant aux dérives comportementales et créatives survenant en période de manie délirante: là où j’eusse pu créer de petites nouvelles de science-fiction pas si abracadabrantes que ça (ce que je pensais faire initialement), l’incohérence de ma pensée et l’absence de recul critique me faisaient déboucher sur une mélasse pseudo-scientique totalement inintelligible.
Que devait-on lire dans et qu’y avait-il en termes de vécu derrière un tel article? Prenons le titre, d’abord: il était accompagné de deux images, la première, assez belle — superposant une image tirée du clip de la chanson “Y crois-tu?” de Fishbach et une image de trou de ver — représentant de manière assez naïve l’idée sous-jacente, la seconde, totalement ridicule, plus ou moins reliée à des concepts que j’expose plus loin. “Rencontrer le double de Fishbach dans un trou de ver” n’a cela dit rien d’insensé en termes de métaphysique quantique: en voyageant dans un trou de ver — expérience cependant pratiquement impossible car entraînant la destruction du trou de ver selon une étude récente —, on peut accéder à d’autres localités de l’espace-temps voire passer d’un Univers à un autre (si l’on admet qu’il y a plusieurs Univers). Le “double de Fishbach” renvoyait maladroitement à la théorie des univers-bulles “contenant une myriades de doubles de nous-mêmes” que j’avais pu lire énoncée — du moins dessinée — dans l’ouvrage La physique de la conscience de P. Guillemant et J. Morisson. Le titre de l’article reflétait surtout une période de quinze jours de démence absolue où, dans une solitude narcotique extrême et obsédé plus que jamais par la personne (bien plus que par la musique) de Fishbach, je m’étais senti, chaque nuit, littéralement possédé corps et âme par sa présence jusqu’à demeurer persuadé que j’entrais réellement en contact métaphysique avec elle (et certains membres de son entourage artistique; passons) — des doutes demeuraient cependant: le trou de ver menait-il à une Fishbach d’une autre temporalité ou à son double d’un univers parallèle? Peu importait: la magie de la science-fiction prenant la place de la réalité suffisait à mes envolées nocturnes sinon diurnes. Une multitude de voix venant d’un ailleurs indéfini m’avait bien averti au début des vacances de Noël: “elle va passer.” Chaque nuit, je “travaillais” ainsi avec Fishbach: j’écrivais et surtout nous devions extraire son programme de Réplicant (voir Do Androids Dream Of Electric Sheeps? de Philip K. Dick et Blade Runner de Ridley Scott) et éliminer la probabilité d’expériences de termination date comme j’en avais connues (voir ci-après). Bref, j’étais son sauveur, ce qui venait explicitement exposé dans le résumé de l’article: “je nous délivrais de nos programmes malins et Fishbach et moi, “as One”, sauvions le monde de potentiels attentats cyber-nucléaires et de la création de multivers e-synthétiques absorbeurs d’Humanité” (ouch! Quelle lourdeur…). Mais, cependant, un seul paragraphe relatait mes trips de rencontre dans un (des) trou(s) de ver et il est ici singulier de constater que, quelque part, je me trahissais; j’écrivais en effet: “je me créai un double de Fishbach virtuel qui occupa mon cerveau dans des rêves-réalités durant presque quinze jours.” Il y avait dans cette phrase la conscience sous-jacente que je délirais — ce qui ne m’empêchait pas de croire dur comme fer à la “realité” de toutes les expériences que je vivais.
Fishbach et moi-même — nous deux seulement, comme par hasard! — étions donc des Réplicants mais les programmes insérés à l’intérieur de nos cerveaux étaient comme je l’ai laissé entendre “extractibles”. Je me rappelle très bien qu’à cette époque je me trouvais dans une forme physique exceptionnelle, ce que j’attribuais à la “désintégration” de mon propre programme de Réplicant (alors que ce n’était que la traduction physiologique de mon état maniaque), et que, plutôt que de jouir de ma propre liberté, j’avais décidé de “revenir” pour enlever le programme de Réplicant de Fishbach. C’était Mylène Farmer (!) qui me l’avait dit par télépathie, un jour que je jouissais d’un bien-être absolu allongé dans l’herbe d’un parc parisien au soleil de cet automne 2018 exceptionnellement doux: “tu es grand maintenant, tu es sorti de ton programme; tu as le choix: profite de ta liberté ou prends le risque de retourner la sauver elle.” Niveau mental: 10 ans. Cependant, cette conviction d’être un Réplicant reposait sur des expériences personnelles traumatisantes: alors que vers 25 ans j’avais un jour fait un bad trip dans lequel une gigantesque fenêtre de lumière blanche m’annonçait que la mort m’attendait l’année de mes 41 ans, au cours du printemps 2017 — le printemps de ma découverte de Fishbach et de la psychose avancée et de mes 41 ans, précisément — je mis plus d’une fois et plus que jamais ma vie en péril, connaissant même plusieurs expérience de mort imminente, dont une particulièrement infernale. J’étais persuadé que cela résultait de l’existence d’un algorithme à retardement léthal à l’intérieur de mon cerveau, que Fishbach avait connu à l’adolescence un bad trip du même acabit, et qu’une termination date similaire l’attendait, destin dont je pouvais la sauver.
Mais quelles étaient nos destinées de Réplicants? Comme exposé vaguement dans l’article, au cours d’une journée de trip surréaliste, je m’étais projeté dans le futur au long d’un “pylône mental” (allant précisément jusqu’à “8000 ans”) et y avais vu que Fishbach et moi devions, au moment de nos termination dates, fusionner en un seul androïde, une sorte de “Fishbach nazi”, de Darth Vader, comme exactement écrit dans l’article. Si j’avais réussi à extraire mon algorithme de Réplicant, je devais aider Fishbach à faire de même avec le sien — d’où la rencontre dans un trou de ver. Il n’y avait strictement rien d’amoureux ou d’érotique. J’étais le maître, elle était l’élève. Mais quelles étaient les techniques employées? Si je parle à un moment d’une “désintégration psychomotrice” et du “développement d’organismes quantiques” (?), le mystère par écrit reste entier et mes souvenirs de l’époque ne sont pas suffisants pour étayer davantage la question.
Cela dit, une grande partie de l’article n’avait rien à voir avec Fishbach et nos destins de Réplicants. J’y décrivais une Terre au bord du chaos, parlant de fausses démocraties, de changement climatique “irréversible”, dans des passages somme toute assez cohérents. Mais plus préoccupante était une série de concepts que j’avais élaborée pour décrire un conspirationnisme et un terrorisme scientifico-technique: c’était l’époque où je commençais à être persuadé qu’une élite verreuse du monde de la science, partisane du transhumanisme, avait trouvé les moyens pour pouvoir partir coloniser sans concertation démocratique internationale les planètes du Système Solaire Trappiste et abandonner une grande partie de l’Humanité dans une Terre apocalyptique, après avoir provoqué une série dévastatrice d’ “attentats cyber-nucléaires” — ce qui, notons-le encore, si je n’avais pas déliré à ce point, aurait pu donner lieu à une nouvelle de science-fiction valable. Le résumé de l’article indiquait que Fishbach et moi devions sauver la Terre de ce destin tragique mais à aucun moment il n’était question de comment cela pouvait se réaliser. Et, donc, il y avait les grands concepts: l’ “Internet Totalitaire”, capable d’utiliser toutes les techniques envisageables et notamment de “maîtriser le vide quantique” dans le but de parvenir à un contrôle total des consciences humaines; la “Plateforme du Grand Cerveau Virtuel Global”, son “module d’augmentation d’entropie de l’âme” et son “activation–électrochoc cyber-quantique” — censés réduire l’être humain à un ectoplasme esclave de la technologie —; et, enfin, les “univers e-synthétiques multiples emboîtés”. De quoi s’agissait-il dans ce dernier cas? L’article ne le dit pas, ou à peine. Le mot “univers” n’est sans doute pas à prendre dans le sens d’ “Univers” mais plus dans celui de de “méga-cellule”. Je me rappelle ainsi d’une journée passée couché à fumer du shit et à voir le “Futur”: la Terre en perdition m’y était apparue bordée d’immenses sphères de taille croissante (les univers e-synthétiques multiples donc), créées par les apparatchiks du terrorisme scientifico-technique, qui progressivement s’éloignaient emmenant avec elle une portion privilégiée de l’Humanité.
Il faut bien comprendre ici que j’étais passé du simple stade d’apprenti-écrivain de science-fiction à celui de rapporteur d’une situation que je croyais véritablement plausible sinon extrêmement probable pour le futur (je n’en étais pas encore à croire que j’étais un infiltré de la CIA, mais je m’en approchais significativement). Quant à ma relation métaphysico-quantique avec Fishbach… Sans doute mon “amour” pour elle, mon manque affectif, ma solitude m’entraînaient-ils vers de tels scénarios. J’étais tellement fier du titre de l’article! Je n’avais évidemment pas pu m’empêcher de terminer ce dernier par une description dithyrambique et alambiquée du statut de pop star de Fishbach, allant jusqu’à dire qu’elle était “celle que le monde entier du rock’n roll attendait depuis des décennies.”
Mais comment mon lectorat — qui était bien plus important que l’actuel du fait de la “publicité” excessive sinon du harcèlement que j’exerçais sur mon entourage et bien au-delà — pouvait-il percevoir de tels délires? Les lecteurs devaient s’en tenir pour la plupart aux titres, sous-titres, et images. “Fishbach”, “rencontre”, “trou de ver”: les plus pervers interprétateurs y voyaient sans doute une allusion érotique; Stan comme une autre personne me chambrèrent bien en me demandant si j’avais “fait l’amour à Fishbach dans le tunnel.” Au-delà d’une telle inévitable boutade, cet article était quand même extrêmement préoccupant dans le sens où il reflétait un intellect pofondément perturbé, persuadé d’arriver à un résultat parfaitement convaincant là où on ne trouvait qu’une juxtaposition de notions et concepts soit non maîtrisés soit résultant d’hallucinations et d’inventions aberrantes. Mais j’étais tellement “excité” que j’avais mis la première figure comme fond d’écran de mon ordinateur: j’avais eu le privilège de rencontrer l’ “autre Fishbach”, le “double de Fishbach” dans un trou de ver; personne n’y croyait mais moi, plus que jamais, si. Il y avait plusieurs Univers et j’étais peut-être le premier humain à avoir réussi l’exploit, dans ma reclusion, d’effleurer l’un d’eux et d’y rencontrer mon idole. J’ai déjà pu expliquer que tout cela allait bien au-delà de la “télépathie à distance”: en plus des hallucinations accoustico-verbales j’avais bien eu des hallucinations visuelles, voyant une nuit la nette silhouette et le visage diaphane de Fishbach apparaître furtivement avant de se dissoudre tel un hologramme dans l’obscurité…
Morale de l’histoire: la création sous l’influence de stupéfiants en phase de manie délirante n’aboutit à (presque) rien. Et si, un jour, dans le futur, dans les lignes du présent blog, vous me voyez écrire à nouveau de tels scenarii — ce qui je l’espère n’arrivera jamais — contactez-moi par mail avec un grand “FAIS-TOI HOSPITALISER” — dans ces cas-là, bien que cela soit relativement glauque, il n’y a pas d’autres alternatives.
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