Je ne sais plus trop quoi écrire. Je n’ai même pas tellement besoin ni envie d’écrire, en fait. Je ne vais pas super bien mais je suis loin d’aller vraiment mal. Je sens des petits picotements dans la tête quand je mange, ça doit être la dopamine qui revient. Je me lamente un peu à me dire que la quétiapine que j’ai prise pendant trois ans comme antipsychotique était tout sauf adaptée. Mais plus aucun acte du quotidien ne me semble invivable. Il fait un temps de merde? Et alors, glandouille. Je kiffe écouter de la musique, surtout des vieux trucs en ce moment: Suede, The Doors, Janis Ian. J’ai réussi à me masturber et à éjaculer sans mater de porno. Je chatte avec des meufs sur Meetic et Tinder, de temps en temps. Je bois beaucoup de café et fume pas mal de clopes. Il ne fait pas assez froid et sec pour aller courir. Quand vraiment j’en ai besoin je travaille dur: sur mon walkman numérique HR Sony NW – AL55, un certain nombre d’albums apparaissaient sans l’image de couverture; je ne sais pas si beaucoup de gens pensent comme moi mais il est aujourd’hui littéralement inacceptable d’écouter sur un appareil de haute qualité un album sans avoir affichée la pochette correspondante; c’est le minimum du “tagging” — j’ai donc pris tout le temps qu’il fallait pour re-tagger les albums problématiques sur mon ordinateur en utilisant des images de plus petite taille (et de moins bonne résolution, mais il faut bien en passer par là), ce qui a évidemment nécessité de petites explorations sur internet, avant de recopier les fichiers correctement taggés sur ledit walkman. Je vais ainsi beaucoup mieux: écouter de la musique en visualisant une double-croche grise sur fond noir, cela me rendait littéralement fou.
J’entre sinon dans la peut-être pas ultime mais du moins dernière étape du deuil de ma phase maniaque: celle où j’arrive à relire les innombrables et répétitifs mails délirants ou odieux envoyés à tout vent et à toutes gens durant des mois et des mois. J’ai vraiment été une ordure, il ne faut pas que je m’étonne de me sentir plus ou moins seul au monde aujourd’hui. Ma famille a pris cher. Mes amis ont dû se prendre la tête entre les mains plus d’une fois. Quant à une certaine Flora Fischbach et une certaine Michelle Blades (l’ancienne bassiste de Fishbach) qui en 2017 avaient eu la bonne idée de laisser traîner leurs adresses Gmail sur internet, elles ont sans doute dû à un moment éliminer, ignorer, ou filtrer mes messages: je leur faisais même partager mes scènes de famille. Je craignais de retrouver des messages réellement compromettants — à caractère érotomane ou menaçant — mais, mis à part un mail envoyé à la fois à mon père et à Flora Fischbach, dans lequel je dis au premier qu’il est un nazi mais que le mal vient peut-être de la seconde, avant d’appeler cette dernière “petite renarde des Ardennes”, je n’ai rien trouvé de vraiment méchant.
Je pourrais m’attarder pour rire sur les messages ridicules que j’envoyais à la Présidence de la République dans lesquels je présentais Flora Fischbach comme “The One And Only For The Humanity”, mais je choisis ici de recopier (traduit de l’anglais) un message extrêmement inquiétant (dont le contenu relaye en partie l’article “L’interrogatoire”) envoyé un beau jour de juillet 2019 aux artistes Grand Blanc, Fishbach et Michelle Blades ainsi qu’à une douzaine de proches: “Cher tous. Vous savez ce qu’il se passe. Voulez-vous réellement le retour de l’État islamique? Si vous êtes intelligent et voulez juste que vous plus moi vivions sans jamais nous revoir, il n’y a aucun problème. Ne faites juste pas les cons. Laissez-moi vous donner une sérieuse leçon de conscience globale. Vous pourriez vous retrouver à un moment ou un autre comme moi à devoir choisir entre la prison ou la rue et aller en face de l’État islamique sur le terrain… J’attends une réponse de votre part. Regardez juste les informations. Aimez-vous réellement l’idée que des gens meurent, qu’il y ait des attentats? Que la honte soit toujours mise sur le dos de l’Islam? Flora, je sais que vous êtes peut-être engagée dans une relation sentimentale avec Brett Anderson: vivez votre vie, mes héros… Peut-être déciderez-vous d’aller vivre en Grande-Bretagne?” Épilogue fleur bleue mise à part, le message, à qui qu’il soit adressé, reste glacialement ouvert à l’interprétation: comment me positionné-je dans le débat? Qu’est-ce que “faire face à l’État islamique sur le terrain”? L’affronter ou le rejoindre? Pour quel type de psychotique désespéré prêt à s’engager dans n’importe quelle connerie passai-je alors?…