Champomy

Je suis dans mon lit, bercé d’une curieuse fatigue, sans grosse déprime particulière. Je n’ai pas d’inspiration mais il n’y a pas urgence. Même si je tourne à 50 mg de Prozac par jour, je me dis que se profile de plus en plus nettement la fin de la dépression. Je me situerais à –1 sur mon échelle thymique. Pour la cinquième fois de ma vie, je meurs, et je renais. J’essaye de ne pas penser au futur: je ne partirai pas en vrille cette fois-ci, un point c’est tout. Surtout, surtout, les endorphines sont de retour, pas en très grande quantité mais elles sont là, je le sens et il ne faut pas que je les lâche. Hier et avant-hier, je suis sorti en forêt, alternant marche et course, sans problème particulier aux genoux et, pas de toute, il y avait quelque chose de nouveau chimiquement dans mon cerveau. Quand je repense à mon ancien psychiatre qui, il y a quelques mois, me disait que le seul fait de marcher allait me permettre de sécréter ces fameuses endorphines… J’étais dans la zone de mort! Dans la zone de mort, on peut s’échiner et souffrir à pratiquer toutes les activités physiques (im)possibles, les endorphines ne viendront pas. Je l’ai plus d’une fois expérimenté. Il faut attendre. Mais là, revenant des sentiers et de l’air froid, je dansais dans mon salon en écoutant “What We’ve Done” d’Austra en boucle, avec mon casque et mon baladeur haute résolution Sony NW-A55L, mon nouveau meilleur ami — je m’habitue peu à peu à la privation de l’écoute sur enceintes requise par le voisinage. Je regarde plusieurs fois sur YouTube le vidéo-clip de “Cyr” des Smashing Pumpkins. Les cigarettes ont soudainement plus de saveur.

Hier, sur Paris, ma nouvelle psychiatre, Véronica, me rassure: il n’y a pas de raison apparente pour que je sois atteint d’un trouble shcizo-affectif. Même dans le trouble bipolaire, des délires monumentaux comme ceux que furent ceux que j’ai connus sont courants. Ma psychiatre: “les délires sont un indice de souffrance; on délire lorsqu’on est trop haut, voire lorsqu’on est trop bas.” Ai-je également déliré dans les bas-fonds fréquentés au cours de ces derniers mois? Je n’ai jamais pris le temps de relire intégralement ce journal: peut-être y trouverais-je des indices, des passages hallucinatoires… Ma psychiatre ne touche pas au traitement pour le moment mais — acte dont se contrefichait le psychiatre précédent — m’envoie faire une batterie de tests sanguins. J’ai bu un café de trop: en sortant de son cabinet, dans ces étranges terres que sont celles du quinzième arrondissement, où l’on se sent comme en province, j’allume et fume une cigarette en tremblant comme une feuille. J’ai parlé à Véronica de mes problèmes de tremblements dus, en grande partie, à l’Abilify et au lithium: elle voulait me prescrire des bêta-bloquants ; j’ai refusé — pour avoir de l’asthme, me déplacer lentement, redoubler mes problèmes de libido? Non, merci. Je m’accommoderai comme je peux de mon syndrôme pseudo-parkinsonien. Dans le métro, j’écoute les deux derniers albums de Soungarden (Superunknown, 1994, et Down On The Upside, 1996), m’attardant à percevoir dans les textes comme dans les tournures mélodiques la lutte contre la dépression que Chris Cornell a mené toute sa vie avant de mettre fin à ses jours il y a trois ans. Puis, le King et moi nous rendons dans l’après-midi chez Christophe qui nous initie à l’apéro naturiste dans un appartement heureusement surchauffé. À poil! C’est la première fois que je fais ça mais je n’y vois rien de choquant ni de bien différent, en fait, avec le fait de partager un moment avec des amis tout habillé. Je bois une bière italienne, une seule, puis un ristretto. Je rentre chez moi à vingt heures trente, requinqué et légèrement fourbu en même temps. Je prépare une nouvelle playlist pour mes balades futures en forêt et m’endors à peine ai-je éteint la lumière.

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