Il y a trois mois presque jour pour jour j’écrivais le premier article de ce blog (“Sortir de la zone de mort”). Il donnait peut-être à penser qu’en marchant et écrivant je me considérais “sorti” de cette zone de mort. Il n’en était rien. Je n’ai pas relu la plupart des nombreux articles qui ont suivi: dans mon souvenir, je les ai écrits sans aucune visière, sans aucun fard, sans aucune pudeur, non pas comme des appels à l’aide ou des S.O.S. — les secours verbaux ou physiques ne furent de toute façon pas avalancheux — mais, hanté à tel point par la mort, comme de petits testaments (peut-être trouverais-je un peu désespérées aujourd’hui ces pages à hurler ou susurrer ma passion pour Fishbach, mais, paradoxalement, lorsque vous vous sentez au bord de la tombe, vous vous raccrochez à vos dieux ou déesses comme vous le faites dans vos périodes les plus euphoriques). La “zone de mort”: si vous n’êtes pas dépressif ou bipolaire, vous ne pouvez pas imaginer ce qu’il est, dans ces états lamentables, non seulement de ne plus prendre aucun plaisir à vivre mais de ne plus pouvoir vivre — pas plus qu’imaginer l’énorme progrès que constitue, lorsqu’on en sort, pas à pas, le simple fait de pouvoir vivre — être éveillé, prendre sa douche le matin, aller faire ses courses, écrire des mails ou chatter sur internet, lire, écouter de la musique; écrire, sortir, marcher; sans que cela soit un calvaire ou insupportable, voire en y trouvant du “plaisir” (un luxe!). Je n’emploie pas le mot victoire. Je ne suis plus à –10 sur mon échelle thymique, cela est certain. Je ne sais pas trop où je suis, sans doute, selon les moments, entre –4 et –2. Mon équilibre reste très précaire, psychologiquement (le bilan, les stigmates de mes deux dernières années est extrêmement lourd à assumer; je me suis isolé socialement), professionnellement (je ne me rends pas encore compte de quand ni comment je pourrai reprendre une activité professionnelle), pharmaceutiquement (mon traitement n’est à mon sens — comme, dans une autre dimension, à celui de Stan — pas encore adapté, j’en ai déjà parlé et j’en suis plus que jamais certain), ou simplement physiquement (si j’arrive de nouveau à courir un peu, je reste faible, ai peu d’appétit, tremble tout le temps, etc.). Mais je vais y arriver. J’y suis déjà arrivé. Je m’en “sortirai”. La grande question sera, ensuite, alors, comme en 2015, comme en 2016, comme en 2018: ne pas se lancer dans la piste noire ascendante, ne pas redevenir fou, ne pas poursuivre de chimère. Certains me connaissant se disent peut-être que ce sera loin d’être gagné: et ils ont raison. Mais nous n’en sommes pas encore là.