Ma chère Christina,
Peut-être penses-tu si tu as lu mon journal que j’ai assez parlé de Machine — oui, je l’appellerai “Machine” aujourd’hui. Mais la supposée lettre d’excuse, la “Lenter Never Sent”, a constitué une étape cruciale pour moi: j’avais besoin de me confesser, de me montrer sous le visage de persécuteur que j’avais possiblement pu avoir pour une telle personne (même si cette question reste un mystère); voyons-y aussi une forme d’adieu, au moins temporaire… Je repenserai à et parlerai de Machine lorsqu’elle refera des concerts ou des disques. Peut-être as-tu déjà pensé, en comparant mes écrits et nos conversations plus intimes, que je m’étais trouvé une chimère sublimement hypnotisante pour t’oublier et gommer la nostalgie et le deuil, me réfugiant dans une réalité sentimentale parallèle hypertrophiée, comme pour fuir, renoncer à l’effort de chercher une nouvelle femme de ma vie. C’est sans doute plus subtile, mais peut-être y a-t-il un peu de ça, en effet. Te rappelles-tu? C’était au mois de novembre 2018. J’étais déjà bien parti vers le haut, j’étais déjà complètement obsédé par Machine, j’étais très exalté, je délirais de plus en plus fréquemment, mais j’avais des moments de tristesse immenses. J’avais une fois, pendant une journée entière devant mon ordinateur, pleuré des océans à revoir toutes mes photos de toi, de notre vie ensemble (j’ai depuis, au cours de je ne sais quel voyage pathologique, perdu le disque dur contenant toutes ces photos; mais les plus belles photos sont les images que l’on garde en son âme, n’est-ce pas?). Désespéré et déphasé, je t’avais alors envoyé un mail dans lequel je criais: “ma vie était là-bas avec toi! Mais je reviendrai, je te le jure!” C’était insensé: toi et moi savons qu’on ne refait pas sa vie si simplement à l’autre bout du monde une deuxième fois à quarante ans comme on a pu le faire une première fois à trente, surtout dans de telles turpitudes de santé que les miennes. Mais c’est ainsi: même dans mes phases d’euphorie, je n’ai jamais pu m’enlever de la tête l’idée que tout avait peut-être été une erreur, qu’entre le désenparement face au mal qui me tombait dessus et l’apprentissage pénible d’une vie sous traitement pharmaceutique je m’étais perdu dans une perception déformée de la réalité, avais abandonné trop tôt le combat pour que nous restions unis, nous poussant l’un et l’autre dans la répulsion. L’amour n’était plus vivable néanmoins l’amour n’était pas complètement mort, nous le savions. Mais ce n’était pas comme une séparation où les deux parties restent dans un périmètre commun, se recroisent… Non, c’était une séparation violemment définitive: je te faisais fuir, je m’enfuyais, de toi et en même temps de ces aventureuses terres australes qui avaient hébergé notre bonheur. Pour rentrer “chez moi”. Mais sais-tu que je me sens parfois ici comme un étranger, comme dans un pays qui me fait peur? On ne revient jamais entier d’une expatriation longue de plusieurs années — d’autant plus lorsque celle-ci se termine par une violente rupture — et encore d’autant plus lorsque ladite rupture ruisselle sur les châssis branlants d’un trouble bipolaire incompris, ingérable, et prêt à exploser davantage à la moindre instabilité. Je rentrai en me sentant fort comme un lion mais allais plus ou moins vite me rendre compte que j’avais trop joué au poker avec ma vie, espérant qu’en changeant un exil par un autre mes abîmes allaient s’estomper et disparaître — mais ces derniers n’allaient que s’approfondir, rendant au passage mes virages maniaques de plus en plus nébuleux et dangereux, comme si en décidant aveuglé de tourner si vite le dos à une vie que je n’arrivais plus à vivre je m’étais concocté pour le futur un joli et lourd cœur en pierre noire et dans le cerveau une petite catapulte prête à m’envoyer paître dans des sphères irréelles à chaque flambée maniaque. J’ai laissé des lambeaux de moi en Amérique du Sud. J’avais erré une grande partie de ma vie avant de te trouver, de trouver une vie qui était la plus belle que j’aie jamais connue. Les journaux que j’ai retrouvés de notre amour en éclosion, en explosion, puis en fission ne disent finalement que bien peu de choses. Je me suis souvent demandé si le magnétisme terrestre, d’un hémisphère à l’autre, n’avait pas joué un rôle dans le développement de mes troubles de l’humeur. Arriverai-je à, devrais-je un jour écrire l’histoire complète de notre chassé-croisé — le chapitre “Porque te vas” n’étant au final qu’un succinct résumé? Cela m’aiderait-il à ne pas me réveiller par ces matins d’automne gris, tel un oisillon blessé et malade, avec en tête, péniblement répétitive, la fin de “From the edge of the deep green sea” de The Cure:
It’s always the same
Wake up in the rain
Head in pain
Hung in shame
A different name
Same old game
Love in vain
And miles and miles and miles and miles and miles
Away from home again… ?
But where is “home”? Comme j’ai déjà pu l’écrire, mes rêves sont plus beaux que mes jours — et pas seulement parce qu’une fois j’ai fait ce rêve tendrement niais de teleserie à la fin duquel Machine m’embrassait. Le jour je rampe et me meurs. La nuit je prends des ailes à travers le monde. Les projections oniriques et quasi cinématographiques de mon inconscient sont tellement plus exaltantes à vivre que ma morne, lente et dévastée réalité quotidienne. Et comme je te l’ai dit au vidéophone, tu es si souvent présente dans mon sommeil, mais si souvent de façon lointaine, comme attendant sagement à un bout du labyrinthe de mes songes pendant que je divague à l’autre. Je reviens souvent là-bas, parfois comme en vacances, revisitant avec nostalgie les lieux de notre vie d’avant, parfois m’y installant, comme cette autre nuit où je vivais dans une grande ville s’apparentant fort à Montevideo, dans un long appartement exigu en colocation avec plusieurs personnes. Je tenais à la main un sac blanc contenant plusieurs disques vinyles de groupes cultes inconnus sur Terre. L’un de ces disques, avec une pochette de graffitis roses et noirs sur un fond blanc, n’était pas pour moi: un grand homme blond s’emparait de l’objet de ses rêves dans des éclats de joie, les yeux brillants. Je gagnais ma chambre, sombre et tapissée, et je contemplais mes trouvailles. L’un des disques était carré: je le sortais de sa pochette, le déposait sur la platine vinyle mais il produisait un son électronique ébouriffant, effrayant, pendant quelques secondes, avant que le bras de la platine ne saute. Je me dirigeais vers l’étagère de ma discothèque; je faisais défiler les pochettes entre mes doigts. Il y avait deux exemplaires de Songs of Faith and Devotion de Depeche Mode et sur l’un deux ton nom était écrit. Je revoyais la scène où je t’avais laissé en héritage le disque en question au moment de notre séparation. “Sommes-nous donc de nouveau ensemble? Vit-elle ici, avec moi? Ou me l’a-t-elle rendue parce qu’elle vit à proximité?”, me demandais-je. Mes colocataires entraient dans la pièce en m’ordonnant de laisser de côté mes simples préoccupations. Nous étions un groupe de rock. Le soir-même nous jouions dans une petite salle comble. J’étais le chanteur et je portais une longue veste de cuir noir et une écharpe en soie bleu clair. Agrippé tremblant au micro, je me disais tout en chantant que pour quelqu’un en dépression je ne m’en sortais pas si mal. Mais étais-je vraiment alors, là-bas, en dépression? Tu m’appelais le lendemain et t’excusais de ne pas avoir pu venir au concert. Tu me donnais rendez-vous à l’université. Je m’y rendais, pressé. Je t’y attendais mais tu ne venais pas. Mon téléphone sonnait: c’était à nouveau toi. Tu me disais: “regarde bien dans la cour et les couloirs, tu trouveras une jolie femme aux cheveux châtains et courts, portant une veste ajustée grise. Elle est amoureuse de toi…” Effectivement, je me retrouvais rapidement avec une prétendante à ma suite. Elle était silencieuse, menue, timide et charmante, se dandinait à côté de moi devant une machine à café, au milieu d’une foule peu dense. Je voyais dans ses yeux qu’elle attendait que je l’embrasse. Mais je repensais troublé aux deux exemplaires de Songs of Faith and Devotion de Depeche Mode dans la chambre de mon appartement. Je cherchais à te rappeler mais tu ne répondais pas. Je me demandais: “où vit-elle? Et moi-même, depuis combien de temps suis-je ici?” Le rêve s’emballait. Je rentrais chez moi pour trouver ma chaîne hi-fi détruite et tous les vinyles étalés au sol. Sur le sommet des amas couvrant la moquette se trouvaient mes deux albums de Tame Impala, Lonerism — le disque de notre rencontre —, et Currents — celui de notre séparation. Et je me rappelais à quel point j’avais du mal à écouter ces disques depuis des années. La chanson “It feels like we only go backwards” explosait alors dans l’environnement sonore: devant l’entrée d’un aéroport, une femme d’un certain âge me criait des paroles dans une langue inconnue. Il faisait soudain nuit. J’étais revenu dans ma banlieue parisienne, me trouvais au milieu d’une foule effarée qui courait en tous sens: nous regardions impuissants et désemparés un avion s’écraser dans une explosion terrifique au milieu des tours d’une cité. Les secours arrivaient mais il n’y avait miraculeusement aucune victime: l’avion était totalement vide et avait atterri à distance des bâtiments…
Au vidéophone, admirant rassuré le bonheur et l’espérance resplendir sur ton visage, cette jeunesse éternelle dans ton regard, et ce sourire toujours un tantinet retenu mais éblouissant, je te demandais, nous demandais si nous nous reverrions un jour. Que se passerait-il si, aujourd’hui, l’un comme l’autre célibataire, nous nous retrouvions? Que sentirions-nous en nous serrant dans nos bras? Notre amour gît-il dans les limbes du passé? Est-ce simplement ma nostalgie pathologique qui m’en éblouit si souvent? Nous savons bien que le passé est le passé et que ce ne serait jamais “comme si”… Nous savons à quel point je suis malade et loin d’être stabilisé. T’ai-je parlé du deuil que constitue laisser mentalement de côté ces années perdues à perdre totalement le contrôle de ma maladie et de ma vie, à faire souffrir et perturber la vie de ma famille — et à quel point cela complique ma sortie de la dépression? T’ai-je parlé de mon angoisse constante de la fin, pas seulement de la mort mais de la fin de moi tel que j’ai toujours été? Mais qui suis-je? Qu’ai-je été? Je sais juste que tu es ce que j’ai aimé de plus fort dans ma vie — et que j’ai parfois l’impression d’être mort dans tes bras.
Peut-être un jour, dans un an, cinq, dix ans, dans un contexte ou un autre, l’un de nous deux franchira-t-il l’océan Atlantique. Mais, comme nous nous le disions, espérons seulement que ce ne soit pas moi dans un virage maniaque désespéré, prenant exalté un billet sans retour pour l’autre bout du monde. Telle est ma vie: souffrir dans l’attente et dans l’espoir de renaître de mes cendres tout en priant pour ne pas alors m’embraser de nouveau à en faire brûler le ciel. Ne pourrais-tu pas te montrer un peu folle à ton tour? Le 17 avril 2021, dans seulement quelques mois, Suede jouera l’album Coming Up dans une salle superbe à Paris. Suede! Brett Anderson! Ton fantasme ultime! Te rappelles-tu comme je te faisais rire lorsque je l’imitais en chantant sur “Filmstar”? Devrais-je te réserver une place?
Soyons sages… Il est bientôt l’heure de dormir. Je sens déjà le soleil d’une destination inconnue palpiter contre mon iris. Dois-je te dire “à tout de suite”? Te retrouverai-je à nouveau dans un curieux rôle d’entremetteuse? Me chanteras-tu des chansons de foi et de dévotion? Nous enfuirons-nous dans quelque autoplane vers Mendoza et les montagnes luisantes de la cordillère des Andes, comme lors de ces vacances lointaines où tout espoir était encore permis? Me montreras-tu des lueurs nouvelles à suivre?
Je te serre fort d’avance dans mes bras. Sache — mais tu le sais — que tu resteras toujours un peu pour moi cette “petite sauvageonne de la Boca”, cette enfant de la balle envoyée comme depuis un paradis suspendu, peut-être trop tôt, peut-être trop tard. Danse le tango pour moi, je t’en supplie.
Buenas noches
V.
son las 17:30 y hace un sol glorioso, de esos que no se ha dejado ver hace muchos días, ya que esta primavera llegó más parecida al invierno que el invierno mismo, pronóstico ceaza: La Niña nos visita, por eso tendremos temperaturas más bajas del promedio para primavera-verano. lamentable para mi frío casi patológico, que esperaba con ansias esta época para andar descalza, lucir mis petos brillosos al estilo soft girl con mis axilas peludas y mis gruesas piernas velludas que me aprendí a amar porque me evocan una figura masculina la cual disrupted con mis rasgos asiáticos y mi cabellera femenina y ese juego me encanta, puedo ser todxs a la vez, puedo ser tu chica y tu chico, aunque sinceramente soy más mía que núnca ❤
por aquí se respira aires de felicidad y esperanza, ayer fue el plebiscito por la askerosa constitución del 80′ de pinochet y fuimos mayoría en aprobar el cambio de esta, siento que es el primer paso para intentar tener un chile más justo e ir curando nuestras heridas que siempre hemos tenido que callar.
a propósito de tus sueños, antes de ayer tuve un sueño intenso y quisiera contarlo, andaba por Valpito y en un momento pasaba por el pasaje Pier Lotti, estaba de noche y miraba con nostalgia hacia el segundo piso de la casa de esquina, el cual estaban modificando pero se lograba ver los pilares y yo lograba viajar por el espacio interior de ese hogar, por el baño y el parquet, los veía, -recordaba como hace mucho no lo hacía- y entonces lloraba, lloraba mucho, pensaba en la chouette y en todo lo que había vivido allí y que ya no existía más, que no reconocía a nadie allí… tengo una imagen oscura y triste de esa parte de mi sueño, supongo que en alguna parte de mi inconciente aún esta esa pena de la pérdida abrupta de una amado, de un espacio físico que habite y habitamos y que se desvaneció con el tiempo…
y al día posterior al sueño, fui caminando a Puertas del mar y me sorprendí de lo habitado que esta, hay muchas casas y edificios y gente y negocios y foodtrack, etc. Pensé que así te gustaría más esa villa jajajaj
Un abrazo cálido Vincent
Petite
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