Blade Runner Blues

Mais personne ne te lit, mec. C’est ça, tu as quelques lecteurs fidèles. Mais c’est quoi ce pic invraisemblable dans les statistiques la semaine dernière? Près de 200 vues en une journée, puis retour immédiat au voisinage du zéro. Comment ça? Tu as envoyé l’adresse de ton blog à une cinquantaine de personnes, amis et connaissances, de façon plus ou moins aléatoire? Mais n’as-tu pas conscience que les gens ont autre chose à foutre, voire n’en ont rien à foutre de ce que tu peux écrire? As-tu vu la longueur de tes textes? Non seulement cela t’a usé, mais en outre… Enfin, on vit à l’heure de Facebook et d’Instagram, sur un ordinateur, une tablette ou un smartphone, en 2020, on ne lit que quelques mots, quelques lignes, pas plus. Et puis, sois réaliste: les gens ont ouvert ton blog, ont vu que tu parlais de Fishbach, se sont dit: “ça y est, il est à nouveau complètement up et délire avec Machine”, et ils sont passés à autre chose. Tu n’as pas compris que depuis des années tu es catalogué psychotique et donc destiné à vivre à la marge? Tu as beau te sentir à l’article de la mort, aurais-tu un cancer ce serait pareil: ne crois-tu pas que tes amis de longue date auraient pu venir te rendre visite depuis le temps? Mais sans doute au fond ne le désires-tu même pas: recevoir misérable des invités dans ton studio minable? Next? De toute façon, la vie est derrière toi. Tu as tout foiré. L’invalidité professionnelle te guette. Tu n’auras plus jamais de vie sexuelle ou amoureuse. La peau de chagrin de ta vie sociale continuera à s’effriter toujours un peu plus. Tu l’as dit, tu es prisonnier de ta maladie, et dans le couloir de la mort, désormais. Combien te reste-t-il? Quinze ans? Moins? Si tu n’en arrives pas au suicide par overdose, vu le niveau de stress, d’angoisse dans lequel tu vis un cancer ou autre viendront bien te chercher. “But you’ve seen and lived things people would not believe: love on a highway to heaven with some latina princess… Glittering interstellar travels into aberrant and magnetic euphoria… Endless nights higher than the highest mountains of Mars… Fishbach singing and dancing a few inches from you at the gate of another universe…” — “It’s too bad you won’t live, but then again who does?” Oui, tu as quelque chose d’un répliquant: ta maladie relève d’un lent programme léthal; ne vois-tu pas à quel point tu es déjà un peu mort au fond de toi? Tu es ton propre blade runner“Have you ever retired a part of your life by mistake?” Oui, et bien plus d’une fois. “In your position that is more than a risk.” Chaque dépression est une pente indéfinie de temps et d’existence perdus; chaque phase maniaque est un carrefour d’erreurs, de gâchis et d’avortement. Diagnostiqué tard, tu as explosé, t’es réduit en miettes, t’es laissé aller dans une spirale de manie autodestructrice et de dépression auto-induite en l’espace de quelques années. Tu ne te remettras jamais complètement d’avoir tant et si bien vécu avant de devenir définitivement bipolaire et de tant perdre en si peu de temps. Tu ne te remettras jamais complètement d’avoir liquidé ta vie et ton amour avec Christina en Amérique du Sud — mais qui te dit que pire décadence ne t’attendait pas là-bas?… Tu ne te remettras jamais complètement d’avoir trop vécu et de t’être perdu dans la psychose après qu’une comète nommée Fishbach t’eut heurté — mais qui te dit que pires errances ne t’attendaient pas sans elle?… “Come save us from ourselves” chantaient les Warlocks dans les années 2000. Mais à quel dieu diriger ce message?… 

3 thoughts on “Blade Runner Blues

  1. Salut Sébastien

    Je te lis toujours mais comme je suis abonné à la mailing list je reçois tes articles directement dans ma boîte mail. Continue..

    Simon

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  2. C’est dur de lire des choses comme ça quand on les a soi-même ressenties – l’impression d’être grillé, cramé pour de bon, de ne plus rien avoir à vivre, d’être condamné à errer dans les limbes des émotions les plus sombres.

    Tu n’es pas fini. Il y a encore des choses chouettes qui t’attendent dans ce monde, juste que pour l’instant, elles seraient juste sous ton nez que tu ne les verrais pas.

    Prends le temps. Trouve des choses à faire, à lire, à regarder, à écouter qui te font plutôt du bien. Des choses qui te distraient, même très bêtes comme regarder l’Amour est dans le pré – ou des jeux vidéo. Fais passer le temps.

    Sois bienveillant envers toi-même : tout ça, c’est pas de ta faute.

    Évidemment, comme les autres j’ai envie que tu continues à écrire, pour continuer à te lire. Mais ne t’y oblige pas.

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